e danger, le mal, la peine, le
souci, et jusqu'a l'ennui, n'est-ce pas?
--Oui, oui, c'est cela, s'ecria Celio en s'arretant et en regardant
le ciel. L'amour d'une femme, c'etait, dans mon attente, la lumiere
splendide et palpitante d'une etoile qui ne defaille et ne palit jamais.
Ma mere m'aimait comme un astre verse le feu qui feconde. Aupres d'elle,
j'etais une plante vivace, une fleur aussi pure que la rosee dont elle
me nourrissait. Je n'avais pas une mauvaise pensee, pas un doute, pas
un desir. Je ne me donnais pas la peine de vivre par moi-meme dans les
moments ou la vie eut pu me fatiguer. Elle souffrait pourtant; elle
mourait, rongee par un chagrin secret, et moi, miserable, je ne le
voyais pas. Si je l'interrogeais a cet egard, je me laissais rassurer
par ses reponses; je croyais a son divin sourire..... Je la tenais un
matin inanimee dans mes bras; je la rapportais dans sa maison la croyant
evanouie... Elle etait morte, morte! et j'embrassais son cadavre...
Celio s'assit sur le parapet d'un pont que nous traversions en ce
moment-la. Un cri de desespoir et de terreur s'echappa de sa poitrine,
comme si une apparition eut passe devant lui. Je vis bien que ce pauvre
enfant ne savait pas souffrir. Je craignis que ce souvenir reveille et
envenime par son recent desastre ne devint trop violent pour ses nerfs;
je le pris par le bras, je l'emmenai.
--Vous comprenez, me dit-il en reprenant le fil de ses idees, comment
et pourquoi je suis egoiste; je ne pouvais pas etre autrement, et vous
comprenez aussi pourquoi je suis devenu haineux et colere aussitot qu'en
cherchant l'amour et l'amitie dans le commerce de mes semblables, je me
suis heurte et brise contre des egoismes pareils au mien. Les femmes
que j'ai rencontrees (et je commence a croire que toutes sont ainsi)
n'aiment qu'elles-memes, ou, si elles nous aiment un peu, c'est par
rapport a elles, a cause de la satisfaction que nous donnons a leurs
appetits de vanite ou de libertinage. Que nous ne leur soyons plus bons
a rien, elles nous brisent et nous marchent sur la figure, et vous
voudriez que j'eusse du respect pour ces creatures ambitieuses ou
sensuelles, qui remarquent que je suis beau et que je pourrais bien
avoir de l'avenir! Oh! ma mere m'eut aime bossu et idiot! mais les
autres!... Essayez, essayez d'y croire, Salentini, et vous verrez!
--Mon cher Celio, vous avez raison en general; mais, en faveur des
exceptions possibles, vous ne devriez pas tant vo
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