is assis sur une tombe! Je faisais
monument dans un coin de cimetiere eclaire par la lune. De vrais
ifs etaient plantes autour de moi, du vrai lierre grimpait sur mon
piedestal. Il me fallut encore quelques instants pour m'assurer que
j'etais dans un interieur bien chauffe, eclaire par un clair de lune
factice. Les branches de cypres qui s'entrelacaient au-dessus de ma tete
me laissaient apercevoir des coins de ciel bleu, qui n'etaient pourtant
que de la toile peinte, eclairee par des lumieres bleues. Mais tout cela
etait si artistement agence, qu'il fallait un effort de la raison pour
reconnaitre l'artifice. Etais-je sur un theatre? Il y avait bien devant
moi un grand rideau de velours vert; mais, autour de moi, rien ne
sentait le theatre. Rien n'etait dispose pour des effets de scene
menages au spectateur. Pas de coulisses apparentes pour l'acteur, mais
des issues formees par des masses de branches vertes et voilant leurs
extremites par des toiles bleues perdues dans l'ombre. Point de
quinquets visibles; de quelque cote qu'on cherchat la lumiere, elle
venait d'en haut, comme des astres, et, du point ou l'on m'avait rive
sur mon socle funeraire, je ne pouvais saisir son foyer. Le plancher
etait cache sous un grand tapis vert imitant la mousse. Les tombes qui
m'entouraient me semblaient de marbre, tant elles etaient bien peintes
et bien disposees. Dans le fond, derriere moi, s'elevait un faux mur
qui ressemblait a un vrai mur a s'y tromper. On n'avait pas cherche
ces lointains factices qui ne font illusion qu'au parterre et contre
lesquels l'acteur se heurte aux profondeurs de l'horizon. La scene
dont je faisais partie etait assez grande pour que rien n'y choquat
l'apparence de la realite. C'etait une vaste salle arrangee de facon a
ce que je pusse me croire dans une petite cour de couvent, ou dans un
coin de jardin destine a d'illustres sepultures. Les cypres semblaient
plantes reellement dans de grosses pierres qu'on avait transportees pour
les soutenir, et ou la mousse du parc etait encore fraiche.
Donc je n'etais pas sur un theatre, et pourtant je servais a une
representation quelconque. Voici ce que j'imaginai: M. de Balma etait
fou, et ses enfants essayaient d'etranges fantaisies pour flatter la
sienne. On lui servait des tableaux appropries a la disposition lugubre
ou riante de son cerveau malade, car j'avais entendu rire et chanter la
nuit precedente, quoiqu'on eut deja parle de cimetiere. J'entendis des
chucho
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