ns comme nous de temoigner contre les
riches; on s'en apercoit plus tard. Si bien que nous n'avons pu fermer
l'oeil de toute la nuit; mais le lendemain tout le monde se portait bien
dans le chateau: les demoiselles riaient et chantaient dans le jardin
comme a l'ordinaire, et M. le marquis a ete a la messe, car c'etait un
dimanche. Seulement les domestiques nous ont dit qu'ils avaient brule
dans la nuit plus de cinquante bougies, et que tout le souper avait ete
mange jusqu'au dernier os.
--Ah! il me parait qu'ils fetent joyeusement le diable?
--Tous les soirs, un bon souper de viandes froides, avec des gateaux,
des confitures et des vins fins, leur est servi dans la salle a manger,
en meme temps qu'on dessert leur diner. On ne sait pas a quelle heure ni
avec quels convives ils le mangent; mais ils ont affaire a des esprits
qui ne se nourrissent pas de fumee. Le matin, on trouve les fauteuils
ranges en cercle autour de la cheminee du grand salon, et dans tout
le reste de la maison il n'y a pas trace du remue-menage de la nuit.
Seulement, il y a toute une partie du chateau, celle qu'on n'habite
plus depuis longtemps, qui est fermee et cadenassee de facon a ce que
personne ne puisse y mettre le bout du nez. Ils ont, au reste, fort peu
de domestiques pour une si grande maison et tant de maitres. Ils n'ont
encore recu personne, si ce n'est le maire et le cure, lesquels ont vu
seulement M. le marquis dans son cabinet, sans qu'aucun de ses enfants
ait paru, excepte sa fille ainee. Les demoiselles n'ont pas de filles de
chambre, et semblent tout aussi habituees que les messieurs a se servir
elles-memes. Le service interieur est fait aussi par des femmes de
journee que l'on congedie quand elles ont balaye et range; et vous
savez, Monsieur, les hommes sont si simples! Quand il n'y a pas de
femmes au courant des affaires d'une maison, on ne peut rien savoir.
--C'est vraiment desesperant, ma chere madame Peirecote, dis-je en
retenant une bonne envie de rire.
--Oui, Monsieur, oui! Ah! si j'etais plus jeune, et si je ne craignais
pas d'attraper un rhumatisme en faisant le guet, je saurais bientot a
quoi m'en tenir. Par exemple, ces jours derniers, la servante qui a fait
les lits a trouve au pied de celui d'une des demoiselles des pantoufles
depareillees. On a beau se cacher, on n'est jamais a l'abri d'une
distraction. Eh bien, Monsieur, devinez ce qu'il y avait a la place de
la pantoufle perdue durant le sabbat!
--Quoi! un g
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