nait me dire adieu et qu'elle renoncait a moi. J'aurais voulu calmer
la douleur que je lui causais, l'amener a de bonnes resolutions, la
quitter noblement et avec des paroles d'amitie. Je ne faisais qu'irriter
son desespoir, et il reparaissait plus terrible, plus imperieux, plus
enlacant au moment ou je me flattais de l'avoir fait ceder a l'empire de
la raison.
Ce que je souffris durant ces huit jours est impossible a confesser.
L'amour d'une femme est peut-etre irresistible, quelle que soit cette
femme, et celle-la etait belle, jeune, intelligente, audacieuse, pleine
de seductions. Le chagrin qui la consumait rapidement donnait a sa
beaute un caractere terrible, bien fait pour agir sur une imagination
d'artiste. Je l'avais toujours crue lascive, elle passait pour l'etre,
elle l'avait peut-etre toujours ete; mais, avec moi, elle paraissait
devoree d'un besoin de coeur qui faisait taire les sens et l'ornait du
prestige nouveau de la chastete. Je me sentais glisser sur une pente
rapide dans un precipice sans fond, car il ne me fallait qu'aimer un
instant cette femme pour etre a jamais perdu. Cela, je n'en pouvais
douter; je savais bien quelle reaction de tyrannie j'aurais a subir
une fois que j'aurais abandonne mon ame a cet attrait perfide. Je me
connaissais, ou plutot je me pressentais. Fort dans le combat, j'etais
trop naif dans la defaite pour n'etre pas enlace a tout jamais par ma
conscience. Et je pouvais encore combattre, parce que je me retenais
d'aimer, car je voyais en elle tout le contraire de mon ideal: le
devouement, il est vrai, mais le devouement dans la fievre, l'energie
dans la faiblesse, l'enthousiasme dans l'oubli de soi-meme, et point de
force veritable, point de dignite, point de duree possible dans ce subit
engouement. Elle me faisait horreur et pitie en meme temps qu'elle
allumait en moi des agitations sauvages et une sombre curiosite. Je
voyais mon avenir perdu, mon caractere deconsidere, toutes les femmes
effrontees et galantes ayant deja l'oeil sur moi pour me disputer a
une puissante rivale et jouer avec moi a coups de griffes comme des
pantheres avec un gladiateur. Je devenais un homme a bonnes fortunes,
moi qui detestais ce plat metier, un charlatan pour les esprits severes
qui m'accuseraient de chercher la renommee dans le scandale des
aventures, au lieu de la conquerir par le progres dans mon art. Je
me sentais defaillir, et, lorsque le feu de la passion montait a ma
poitrine, la sueur froi
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