res filles et deux garcons, tous beaux comme des
amours; mais qu'est-ce que ca vous fait, Volabu?
--Ca ne me fait rien, la mere; mais c'est egal, notre vieux marquis
est diablement sournois, car je lui ai entendu dire a M. le cure qu'il
n'avait qu'une fille, celle qui est arrivee avec lui le lendemain de la
mort du dernier marquis.
--Eh bien, reprit la vieille, c'est qu'il n'y a que celle-la de legitime
peut-etre, et que les quatre autres enfants sont des batards. Ca ne
prouve pas un mauvais homme d'avoir recueilli tout ca le jour ou il
s'est vu riche et seigneur. Sans doute il veut les etablir pour effacer
devant Dieu tous ses vieux peches.
--Apres ca, ils ne sont peut-etre pas a lui, tous ces enfants? observa
madame Volabu.
--Il les appelle tous mes enfants, repondit la mere Peirecote, et ils
l'appellent tous _mon papa_. Quand a savoir au juste ce qui en est,
ce n'est pas facile. C'est une maison ou il y a toujours eu de gros
secrets, par rapport surtout a M. le marquis actuel. Du temps de
l'autre, est-ce qu'on savait quelque chose de clair sur celui d'a
present. Que ne disait-on pas? M. le marquis a eu un frere qui est mort
aux Indes, disaient les uns. D'autres disaient au contraire: Le frere
puine* de M. le marquis n'est pas si mort ni si eloigne qu'on croit;
mais il a change de nom, parce qu'il a fait des folies, des dettes qu'il
ne peut payer, et il y a bien cinquante ans que monsieur ne veut pas le
voir. Les uns disaient encore: Il ne peut pas lui pardonner sa mauvaise
conduite, mais il lui envoie de l'argent de temps en temps en cachette.
Et les autres repondaient: Il ne lui envoie rien du tout. Il a le coeur
trop dur pour cela. Le pire des deux n'est pas celui qu'on pense.
--Et ne peut-on eclaircir cette histoire? demandai-je. Personne, dans
le pays, n'est-il mieux renseigne que vous? Il est etrange qu'un membre
d'une grande famille sorte ainsi de dessous terre.
--Monsieur, dit la vieille, on ne peut rien savoir de ces gens-la. Moi,
voila ce que je sais, ce que j'ai vu dans ma jeunesse. Il y avait deux
freres du nom de Balma, famille piemontaise bien anciennement etablie
dans le pays. L'aine etait fort sage, mais pas de tres-bon coeur, cela
est certain. Le cadet etait une diable de tete, mais il n'etait pas
fier. Il n'avait rien a lui, et je n'ai point vu d'enfant si aimable et
si joli. Les Balma ont vecu longtemps hors du pays. Un beau jour, l'aine
vint prendre possession de son domaine et habiter
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