andeur, qui ne trompe pas le sens exerce
d'un homme.
Je sentis bientot, a la chaleur de la temperature et a la sonorite
de mes pas, que j'etais dans le chateau; on me fit monter plusieurs
marches, on m'enferma dans une chambre, et la voix de Beatrice me cria a
travers la porte: "Preparez-vous, otez votre bandeau, revetez l'armure,
mettez le masque, n'oubliez rien! On viendra vous chercher tout a
l'heure."
Je me trouvai seul dans un cabinet meuble seulement d'une grande glace,
de deux quinquets et d'un sofa, sur lequel je vis une etrange armure. Un
casque, une cuirasse, une cotte, des brassards, des jambards, le tout
mat et blanc comme de la pierre. J'y touchai, c'etait du carton, mais
si bien modele et peint en relief pour figurer les ornements repousses,
qu'a deux pas l'illusion etait complete. La cotte etait en toile
d'encollage, et ses plis inflexibles simulaient on ne peut mieux
la sculpture. Le style de l'accoutrement guerrier etait un melange
d'antique et de rococo, comme on le voit employe dans les panoplies de
nos derniers siecles. Je me hatai de revetir cet etrange costume, meme
le masque, qui representait la figure austere et chagrine d'un vieux
capitaine, et dont les yeux blancs, doubles d'une gaze a l'interieur,
avaient quelque chose d'effrayant. En me regardant dans la glace, cette
gaze ne me permettant pas une vision bien nette, je me crus change en
pierre, et je reculai involontairement.
La porte se rouvrit. Stella vint m'examiner en silence, et en posant
son doigt sur ses levres: "C'est a merveille, dit-elle en parlant bas.
L'_uom' di sasso_ est effroyable! Mais n'oubliez pas les gants blancs...
Oh! ceux-ci sont trop frais, salissez-les un peu contre la muraille pour
leur donner un ton et des ombres. Il faut que, vu de pres, tout fasse
illusion. Bien! venez maintenant. Mes freres vous attendent, mais mon
pere ne se doute de rien. Allons, comportez-vous comme une statue bien
raisonnable. N'ayez pas l'air de voir et d'entendre!"
Elle me fit descendre un escalier derobe, pratique dans l'epaisseur d'un
mur enorme, puis elle ouvrit une porte en bas, et me conduisit a un
siege ou elle me laissa en me disant tout bas: "Posez-vous bien. Soyez
artiste dans cette pose-la!"
Elle disparut; le plus grand silence regnait autour de moi, et ce ne fut
qu'au bout de quelques secondes que la gaze de mon masque me permit de
distinguer les objets mal eclaires qui m'environnaient.
Qu'on juge de ma surprise: j'eta
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