ros crapaud vert avec des yeux de feu? ou bien un fer de
cheval qui a brule les doigts de la pauvre servante?
--Non, Monsieur, un joli petit soulier de satin blanc avec un noeud de
beaux rubans rose et or!
--Diantre! cela sent le sabbat bien davantage. Il est evident que ces
demoiselles avaient ete au bal sur un manche a balai!
--Chez le diable ou ailleurs; il y avait eu bal aussi au chateau, car
on avait justement entendu des airs de danse, et les parquets s'en
ressentaient; mais quels etaient les invites, et d'ou sortait le beau
monde? car on n'a vu ni voitures ni visites d'aucune espece autour du
chateau, et a moins que la bande joyeuse ne soit descendue et remontee
par les tuyaux de cheminee, je ne vois pas pour qui ces demoiselles ont
mis des souliers blancs a noeuds rose et or.
J'aurais ecoute madame Peirecote toute la nuit, tant ses contes me
divertissaient; mais je vis que mes hotes desiraient se retirer, et je
leur en donnai l'exemple. Volabu me conduisit a sa meilleure chambre et
a son meilleur lit. Sa femme m'accabla aussi de mille petits soins, et
ils ne me quitterent qu'apres s'etre assures que je ne manquais de rien.
Volabu me demanda au travers de la porte a quelle heure je voulais
partir pour Briancon. Je le priai d'etre pret a sept heures du matin, ne
voulant pas etre a charge plus longtemps a sa famille.
Je n'avais pas la moindre envie de dormir, car il n'etait que sept
heures du soir, et j'avais douze heures devant moi. Un bon feu de sapin
petillait dans la cheminee de ma petite chambre, et une grande provision
de branches resineuses, placee a cote, me permettait de lutter contre la
froide bise qui sifflait a travers les fenetres mal jointes. Je pris mes
crayons, et j'esquissai les deux jolies figures des demoiselles de Balma
dans le costume et les attitudes ou elles m'etaient apparues, sans
oublier le beau levrier blanc et le cadre des grands cypres noirs
couverts de flocons de neige. Tout cela trottait encore plus vite dans
mon imagination que sur le papier, et je ne pouvais me defendre d'une
emotion analogue a celle que nous fait eprouver la lecture d'un conte
fantastique d'Hoffmann, en rapprochant de ces charmantes figures si
candides, si enjouees, si heureuses en apparence, les recits bizarres et
les diaboliques commentaires de ma vieille hotesse. Ainsi que dans ces
contes germaniques, ou des anges terrestres luttent sans cesse contre
les pieges d'un esprit infernal petri d'ironie, de co
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