ouger; nous y faisons, les uns leur education,
les autres leur stage dramatique. On t'expliquera cela plus tard:
maintenant il ne faut pas trop s'absorber dans les embrassades et les
explications, car on perdrait la piece de vue; on se refroidirait sur
l'affaire principale de la vie, sur ce qui passe avant tout ici, l'art
dramatique!
--Un seul et dernier mot, lui dis-je en regardant Cecilia a la derobee:
pourquoi, cruels, m'aviez-vous abandonne? Si le plus incroyable, le plus
inespere des hasards ne m'eut conduit ici, je ne vous aurais peut-etre
jamais revus qu'a travers la rampe d'un theatre; car tu m'avais promis
de m'ecrire, Celio, et tu m'as oublie!
--Tu mens! repondit-il en riant. Une lettre de moi, avec une invitation
de notre cher hote, le marquis, te cherche a Vienne dans ce moment-ci.
Ne m'avais-tu pas dit que tu ne repasserais les Alpes qu'au printemps?
Ce serait a toi de nous expliquer comment nous te retrouvons ici, ou
plutot comment tu as decouvert notre retraite, et pourquoi il a fallu
que ces demoiselles se compromissent jusqu'a t'ecrire un billet doux
sous ma dictee pour te donner le courage d'entrer par la porte au lieu
de venir roder sous les fenetres. Si l'aventure d'hier soir ne m'eut pas
mis sur tes traces, si je ne les avais suivies, ce matin, ces traces
indiscretes empreintes sur la neige, et cela jusque chez le voiturin
Volabu, ou j'ai vu ton nom sur une caisse placee dans son hangar, tu
nous menageais donc quelque terrible surprise?
--Moi? j'etais le plus sot et le plus innocent des curieux. Je ne vous
savais pas ici. J'avais la tete echauffee par votre sabbat nocturne, qui
met en emoi tout le hameau, et je venais tacher de surprendre les manies
de M. le marquis de Balma... Mais a propos, m'ecriai-je en eclatant de
rire et en promenant aussitot un regard inquiet et confus autour de moi,
chez qui sommes-nous ici? Que faites-vous chez ce vieux marquis, et
comment peut-il dormir pendant un pareil vacarme?
Toute la troupe echangea a son tour des regards d'etonnement, et
Beatrice eclata de rire comme je venais de le faire.
Mais Boccaferri prit la parole avec beaucoup de sang-froid pour me
repondre.--Le vieux marquis est un monomane, en effet, dit-il. Il a la
passion du theatre, et son premier soin, des qu'il s'est vu riche et
maitre d'un beau chateau, c'a ete de recruter, par mon intermediaire, la
troupe choisie qui est sous vos yeux, et de la cacher ici en la faisant
passer pour sa famille
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