veux me fier, repondis-je. En route!
Ou cet homme me conduisit, tu le sauras bientot, cher lecteur, et tu me
diras si, dans l'acces de flanerie bienveillante qui me poussa a subir
son caprice, il n'y eut pas quelque chose qu'un homme plus impertinent
que moi eut pu qualifier d'inspiration divine. D'abord il ne m'avait
pas trompe, le brave Volabu. Le paysage ou il me fit penetrer avait un
caractere a la fois naif et grandiose, qui s'empara de moi d'autant plus
que je n'avais pas compte sur le discernement pittoresque de mon guide.
Sans doute c'etait son amour pour sa jeune femme qui lui faisait aimer
ou mieux comprendre instinctivement la beaute du lieu qu'elle habitait.
Il voulut reconnaitre ma complaisance en exercant envers moi les devoirs
de l'hospitalite.
Il possedait la quelques morceaux de terre et une maisonnette
tres-propre ou il me conduisit. Et quand il eut trouve sa jeune menagere
au travail, bien gaie, bien sage, bien pure (cela se voyait a la joie
franche qu'elle montra en lui sautant au cou), il n'y eut sorte de fete
qu'il ne me fit: ils se mirent en quatre, sa femme et lui, pour me
preparer un meilleur repas que celui que j'aurais pu faire a l'auberge
du hameau, et, comme je leur disais que tant de soin n'etait pas
necessaire pour me contenter, ils jurerent naivement que cela _ne me
regardait pas_, c'est-a-dire qu'ils voulaient me traiter et m'heberger
gratis.
Je les laissai a leur fricassee entremelee de doux propos et de gros
baisers, pour aller admirer le site environnant. Il etait simple et
superbe. Des collines escarpees servant de premier echelon aux grandes
montagnes des Alpes, toutes couvertes de sapins et de melezes,
encadraient la vallee et la preservaient des vents du nord et de l'est.
Au-dessus du hameau, a mi-cote de la colline la plus rapprochee et la
plus adoucie, s'elevait un vieux et fier chateau, une des anciennes
defenses de la frontiere probablement, demeure paisible et confortable
desormais, car je voyais au ton frais des chassis de croisees en bois de
chene, encadrant de longues vitres bien claires, que l'antique manoir
etait habite par des proprietaires fort civilises. Un parc immense, jete
noblement sur la pente de la colline et masquant ses froides lignes de
cloture sous un luxe de vegetation chaque jour plus rare en France,
formait un des accidents les plus heureux du tableau. Malgre la rigueur
de la saison (nous etions a la fin de janvier, et la terre etait
couverte de fr
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