rveillait ma conduite aupres de ses
soeurs, pour me remettre a la raison, s'il en etait besoin.
Je ne pus me defendre du sot amour-propre de faire part de ma
decouverte, et j'en fus aussitot chatie.--Pourquoi avez-vous manque de
confiance en moi? disais-je a mes deux jeunes amies. Il n'etait pas
besoin de la presence de votre frere pour m'engager d'etre aupres de
vous le plus soumis et le plus respectueux des adeptes.
--Et vous, pourquoi manquez-vous a votre serment? repliqua Stella d'un
ton severe: allons, il est trop tard pour reculer, et il faut employer
les grands moyens pour vous forcer au silence.
Elle m'arreta; le domino noir se retourna malgre sa surdite, et presenta
un bandeau, qu'a elles trois elles placerent sur mes yeux avec la
precaution et la dexterite de jeunes filles qui connaissent les
supercheries possibles du jeu de colin-maillard.--On vous fait grace du
baillon, me dit Beatrice; mais, a la premiere parole que vous direz,
vous ne l'echapperez pas, d'autant plus que nous allons trouver
main-forte, je vous en avertis. En attendant, donnez-nous vos mains;
vous ne serez pas assez felon, je pense, pour nous les retirer et pour
nous forcer a vous les lier derriere le dos.
Je ne trouvais pas desagreable cette maniere d'avoir les mains liees,
en les enlacant a celles de deux filles charmantes, et la ceremonie du
bandeau ne m'avait pas revolte non plus; car j'avais senti se poser
doucement sur mon front et passer legerement dans ma chevelure deux
autres mains, celles de la soeur ainee, lesquelles, degantees pour cet
office d'executeur des hautes-oeuvres, ne me laisserent plus aucun doute
sur le sexe du personnage muet.
Je dois dire a ma louange que je n'eus pas un instant d'inquietude sur
les suites de mon aventure. Quelque inexplicable qu'elle fut encore, je
n'eus pas le _provincialisme_ de redouter une mystification de mauvais
gout; je ne m'etais muni d'aucun poignard, et les menaces de mes jolies
sibylles ne m'inspiraient aucune crainte pour mes oreilles ni meme pour
ma moustache. Je voyais assez clairement que j'avais affaire a des
personnes d'esprit, et le souvenir de leurs figures, le son de leurs
voix, ne trahissaient en elles ni la mechancete ni l'effronterie.
Certes, elles etaient autorisees par leur pere, qui sans doute me
connaissait de reputation, a me faire cet accueil romanesque, et, ne
le fussent-elles pas, il y a autour de la femme pure je ne sais quelle
indefinissable atmosphere de c
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