moins la figure que tache de ne pas faire un homme
qui trouve occupee la place qu'il venait pour conquerir. Je fis de
mon mieux pour que mon desappointement ne parut pas.--Bonne Cecilia,
repondis-je, je vous declare que cela me serait parfaitement egal, et je
permets a Celio d'etre aujourd'hui ou de ne jamais etre l'amant de la
duchesse, sans que cela change rien a ma sympathie pour lui, a mon
impartialite comme _dilettante_, a mon zele comme ami. Oui, je serai
son ami de bon coeur, puisqu'il est le votre, car vous etes une des
personnes que j'estime le plus. Vous l'avez compris, vous, puisque vous
venez de me livrer sans detour le secret de votre coeur, et je vous en
remercie.
--Le secret de mon coeur! dit la Boccaferri d'un ton de sincerite qui me
petrifia. Quel secret?
--Etes-vous donc distraite a ce point que vous m'ayez dit, sans le
savoir, votre amour pour Celio; ou que vous l'ayez deja oublie?
La Boccaferri se mit a rire. C'etait la premiere fois que je la voyais
rire, et le rire est aussi un indice a etudier. Sa figure grave et
reservee ne semblait pas faite pour la gaiete, et pourtant cet eclair
d'enjouement l'eclaira d'une beaute que je ne lui connaissais pas.
C'etait le rire franc, bref et harmonieusement rhythme d'une petite
fille epanouie et bonne.--Oui, oui, dit-elle, il faut que je sois bien
distraite pour m'etre exprimee comme je l'ai fait sur le compte de
Celio, sans songer que vous alliez prendre le change et me supposer
amoureuse de lui... mais qu'importe? Il y aurait de la pedanterie de ma
part a m'en defendre, lorsque cela doit vous paraitre tres-naturel et
tres-indifferent.
--Tres-naturel... c'est possible... Tres-indifferent... c'est possible
encore; mais je vous prie cependant de vous expliquer.--Et je pris le
bras de Cecilia avec une brusquerie involontaire dont je me repentis
tout a coup, car elle me regarda d'un air etonne, comme si je venais de
la preserver d'une brulure ou d'une araignee. Je me calmai aussitot et
j'ajoutai:--Je tiens a savoir si je suis assez votre ami pour que vous
m'ayez confie votre secret, ou si je le suis assez peu pour qu'il vous
soit indifferent, a vous, de n'etre pas connue de moi.
[Illustration 003.png: Puis, en voyant de pres combien sa beaute etait
vraie... (Page 79.)]
--Ni l'un ni l'autre, repondit-elle. Si j'avais un tel secret, j'avoue
que je ne vous le confierais pas sans vous connaitre et vous eprouver
davantage; mais, n'ayant point de secret, j
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