ai trouve un ce soir qui, des le commencement, n'a
fait que me supporter. J'ai ete froisse et contrarie avant l'epreuve, au
point d'entrer en scene epuise et frappe d'un sombre pressentiment. La
colere est bonne quelquefois, mais il la faut simultanee a l'operation
de la volonte. La mienne n'etait pas encore assez refroidie, et elle
n'etait plus assez chaude: j'ai succombe. O ma pauvre mere! si tu avais
ete la, tu m'aurais electrise par ta presence, et je n'aurais pas ete
indigne de la gloire de porter ton nom! Dors bien sous tes cypres,
chere sainte! Dans l'etat ou me voici, c'est la premiere fois que je me
rejouis de ce que tes yeux sont fermes pour moi!
Une grosse larme coula sur la joue ardente du beau Celio. Sa sincerite,
ce retour enthousiaste vers sa mere, son expansion devant moi,
effacaient le mauvais effet de son attitude sur la scene. Je me sentis
attendri, je sentis que je l'aimais. Puis, en voyant de pres combien sa
beaute etait _vraie_, son accent penetrant et son regard sympathique, je
pardonnai a la duchesse de l'avoir aime deux jours; je ne lui pardonnai
pas de ne plus l'aimer.
Il me restait a savoir s'il etait aime aussi de Cecilia Boccaferri. Elle
sortit de sa toilette et vint s'asseoir entre nous deux, nous prit la
main a l'un et a l'autre, et, s'adressant a moi:--C'est la premiere fois
que je vous serre la main, dit-elle, mais c'est de bon coeur. Vous
venez consoler mon pauvre Celio, mon ami d'enfance, le fils de ma
bienfaitrice, et c'est presque une soeur qui vous en remercie. Au reste,
je trouve cela tout simple de votre part; je sais que vous etes un
noble esprit, et que les vrais talents ont la bonte et la franchise
en partage.... Ecoute, Celio, ajouta-t-elle, comme frappee d'une idee
soudaine, va quitter ton costume dans ta loge, il est temps: moi, j'ai
quelques mots a dire a M. Salentini. Tu reviendras me prendre, et nous
partirons ensemble.
Celio sortit sans hesiter et d'un air de confiance absolue. Etait-il
sur, a ce point, de la fidelite de sa maitresse?... ou bien n'etait-il
pas l'amant de Cecilia? Et pourquoi l'aurait-il ete? pourquoi en
avais-je la pensee, lorsque ni elle ni lui ne l'avaient peut-etre jamais
eue?
Tout cela s'agitait confusement et rapidement dans ma tete. Je tenais
toujours la main de Cecilia dans la mienne, je l'y avais gardee; elle
ne paraissait pas le trouver mauvais. J'interrogeais les fibres
mysterieuses de cette petite main, assez ferme, legerement attiedi
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