la Raison; c'etait
l'epouse de l'imprimeur Momoro, l'un des amis de Vincent, Ronsin,
Chaumette, Hebert, et pareils. Elle etait vetue d'une draperie blanche; un
manteau bleu celeste flottait sur ses epaules; ses cheveux epars etaient
recouverts du bonnet de la liberte. Elle etait assise sur un siege antique,
entoure de lierre et porte par quatre citoyens. Des jeunes filles, vetues
de blanc et couronnees de roses, precedaient et suivaient la deesse. Puis
venaient les bustes de Lepelletier et de Marat, des musiciens, des troupes,
et toutes les sections armees. Des discours furent prononces, et des hymnes
chantes dans le temple de la Raison; on se rendit ensuite a la convention;
Chaumette prit la parole en ces termes:
"Legislateurs, le fanatisme a cede la place a la raison. Ses yeux louches
n'ont pu soutenir l'eclat de la lumiere. Aujourd'hui un peuple immense
s'est porte sous ces voutes gothiques, qui pour la premiere fois ont servi
d'echo a la verite. La, les Francais ont celebre le seul vrai culte, celui
a de la liberte, celui de la raison. La, nous avons forme des voeux pour la
prosperite des armes de la republique. La, nous avons abandonne des idoles
inanimees, pour la raison, pour cette image animee, chef-d'oeuvre de la
nature." En disant ces mots, Chaumette montrait la deesse vivante de la
Raison. La jeune et belle femme qui la representait, descend de son siege,
et s'approche du president, qui lui donne l'accolade fraternelle au milieu
des bravos universels, et des cris de _vive la republique! vive la Raison!
a bas le fanatisme!_ La convention, qui n'avait encore pris aucune part a
ces representations, est entrainee et obligee de suivre le cortege, qui
retourne une seconde fois au temple de la Raison, et va y chanter un hymne
patriotique. Une nouvelle importante, celle de la reprise de Noirmoutiers
sur Charette, augmentait la joie generale et lui donnait un motif plus reel
que celui de l'abolition du fanatisme.
On voit sans doute avec degout ces scenes sans recueillement, sans bonne
foi, ou un peuple changeait son culte sans comprendre ni l'ancien ni le
nouveau. Mais quand le peuple est-il de bonne foi? quand est-il capable de
comprendre les dogmes qu'on lui donne a croire? Ordinairement, que lui
faut-il? De grandes reunions qui satisfassent son besoin d'etre assemble,
des spectacles symboliques, ou on lui rappelle sans cesse l'idee d'une
puissance superieure a la sienne, enfin des fetes ou l'on rende hommage aux
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