t souvent adressaient aux saints eux-memes les
allocutions les plus singulieres. "O vous! s'ecriait une deputation de
Saint-Denis, o vous, instrumens du fanatisme! saints, bienheureux de toute
espece, soyez enfin patriotes, levez-vous en masse, servez la patrie en
allant vous fondre a la Monnaie, et faites en ce monde notre bonheur que
vous vouliez faire dans l'autre!" A ces scenes de gaiete succedaient tout a
coup des scenes de respect et de recueillement. Ces memes individus, qui
foulaient aux pieds les saints du christianisme, portaient un dais; ils en
ouvraient les voiles, et montrant les bustes de Marat et de Lepelletier:
"Voici, disaient-ils, non pas des dieux faits par des hommes, mais l'image
de citoyens respectables, assassines par les esclaves des rois." On
defilait ensuite devant la convention, en chantant encore des _alleluia_ et
en dansant _la carmagnole_; on allait deposer les riches depouilles des
autels a la Monnaie, et les bustes veneres de Marat et de Lepelletier dans
les eglises, devenues desormais les temples d'un nouveau culte.
Sur le requisitoire de Chaumette, il fut arrete que l'eglise metropolitaine
de Notre-Dame serait convertie en un edifice republicain, appele _Temple de
la Raison_; une fete fut instituee pour tous les jours de decade. Elle dut
remplacer les ceremonies catholiques du dimanche. Le maire, les officiers
municipaux, les fonctionnaires publics, se rendaient dans le temple de la
Raison, y lisaient la declaration des droits de l'homme, ainsi que l'acte
constitutionnel, y faisaient l'analyse des nouvelles des armees, et
racontaient les actions d'eclat qui avaient eu lieu dans la decade. _Une
bouche de verite_, semblable aux bouches de denonciations qui se trouvaient
a Venise, etait placee dans le temple de la Raison pour recevoir _les avis,
reproches_ ou _conseils_, utiles au bien public. On faisait la levee de ces
lettres chaque jour de decade; on procedait a leur lecture; un orateur
prononcait un discours de morale; apres, on executait des morceaux de
musique, et on finissait par chanter des hymnes republicains. Il y avait
dans le temple deux tribunes, l'une pour les vieillards, l'autre pour les
femmes enceintes, avec ces mots: _Respect a la vieillesse, respect et soins
aux femmes enceintes_.
La premiere fete de la raison fut celebree avec pompe le 20 brumaire (10
novembre). Toutes les sections s'y rendirent avec les autorites
constituees. Une jeune femme representait la deesse de
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