Kleber, Marceau, les representans Merlin et
Turreau font des efforts incroyables, mais inutiles, pour arreter les
fuyards. Beaupuy recoit une balle au milieu de la poitrine. Porte dans une
cabane, il s'ecrie: "Qu'on me laisse ici, et qu'on montre ma chemise
sanglante a mes soldats." Le brave Bloss, qui commandait les grenadiers, et
qui etait connu par une intrepidite extraordinaire, se fait tuer a leur
tete. Enfin une partie de l'armee s'arrete au Lion-d'Angers; l'autre fuit
jusqu'a Angers meme. L'indignation etait generale contre le lache exemple
qu'avait donne Lechelle en fuyant le premier. Les soldats murmuraient
hautement. Le lendemain, pendant la revue, le petit nombre de braves qui
etaient restes sous les drapeaux, et c'etaient des Mayencais, criaient: A
bas Lechelle! vive Kleber et Dubayet! _qu'on nous rende Dubayet!_ Lechelle,
qui entendit ces cris, en fut encore plus mal dispose contre l'armee de
Mayence, et contre les generaux dont la bravoure lui faisait honte. Les
representans, voyant que les soldats ne voulaient plus de Lechelle, se
deciderent a le suspendre, et proposerent le commandement a Kleber.
Celui-ci le refusa, parce qu'il n'aimait pas la situation d'un general en
chef, toujours en butte aux representans, au ministre, au comite de salut
public, et consentit seulement a diriger l'armee sous le nom d'un autre. On
donna donc le commandement a Chalbos, qui etait l'un des generaux les plus
ages de l'armee. Lechelle, prevenant l'arrete des representans, demanda son
conge, en disant qu'il etait malade, et se retira a Nantes, ou il mourut
quelque temps apres.
Kleber, voyant l'armee dans un etat pitoyable, dispersee partie a Angers,
et partie au Lion-d'Angers, proposa de la reunir tout entiere a Angers
meme, de lui donner ensuite quelques jours de repos, de la fournir de
souliers et de vetemens, et de la reorganiser d'une maniere complete. Cet
avis fut adopte, et toutes les troupes furent reunies a Angers. Lechelle
n'avait pas manque de denoncer l'armee de Mayence en donnant sa demission,
et d'attribuer a de braves gens une deroute qui n'etait due qu'a sa
lachete. Depuis long-temps on se defiait de cette armee, de son esprit de
corps, de son attachement a ses generaux, et de son opposition a
l'etat-major de Saumur. Les derniers cris de _vive Dubayet! a bas
Lechelle!_ acheverent de la compromettre dans l'esprit du gouvernement.
Bientot, en effet, le comite de salut public rendit un arrete pour en
ordonner la
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