donc incapables de se hater, de
s'eclairer dans leur marche, de rien executer enfin, avec un peu de force
et de precision.
Quoique nombreuse, leur armee etait dans un etat pitoyable. Tous les chefs
principaux etaient ou morts ou blesses. Bonchamps avait expire sur la rive
gauche; d'Elbee, blesse, avait ete transporte a Noirmoutiers; Lescure,
atteint d'une balle au front, etait traine mourant a la suite de l'armee;
La Rochejaquelein, reste seul, avait recu le commandement general. Stofflet
commandait sous lui. L'armee, obligee maintenant de se mouvoir et
d'abandonner son sol, aurait du etre organisee; mais elle marchait
pele-mele comme une horde, ayant au milieu d'elle des femmes, des enfans,
des chariots. Dans une armee reguliere, les braves, les faibles, les
laches, encadres les uns avec les autres, restent forcement ensemble et se
soutiennent reciproquement. Il suffit de quelques hommes de courage pour
communiquer leur energie a toute la masse. Ici, au contraire, aucun rang
n'etant garde, aucune division de compagnie de bataillon, n'etant observee,
chacun marchant avec qui lui plaisait, les braves s'etaient ranges
ensemble, et formaient un corps de cinq ou six mille hommes, toujours prets
a s'avancer les premiers. Apres eux, venait une troupe moins sure, et
propre seulement a decider un succes, en se portant sur les flancs d'un
ennemi deja ebranle. A la suite de ces deux bandes, la masse, toujours
prete a fuir au premier coup de fusil, se trainait confusement. Ainsi, les
trente ou quarante mille hommes armes se reduisaient en definitive a
quelques mille braves, toujours disposes a se battre par temperament. Le
defaut de subdivisions empechait de former des detachemens, de porter un
corps sur un point ou sur un autre, de faire aucune sorte de dispositions.
Les uns suivaient La Rochejaquelein, les autres Stofflet, et ne suivaient
qu'eux seuls. Il etait impossible de donner des ordres; tout ce qu'on
pouvait obtenir, c'etait de se faire suivre en donnant un signal. Stofflet
avait seulement quelques paysans affides qui allaient repandre ce qu'il
voulait parmi leurs camarades. A peine avait-on deux cents mauvais
cavaliers, et une trentaine de pieces de canon, mal servies et mal
entretenues. Les bagages encombraient la marche; les femmes, les
vieillards, pour etre plus en surete, cherchaient a se fourrer au milieu de
la troupe des braves, et, en remplissant leurs rangs, embarrassaient leurs
mouvemens. La mefiance commencait
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