la derniere pour lui,--
De laquelle il sortit l'ame desesperee,
Seul desormais, errant au hasard dans la nuit,
Stello quittait Paris.
IV
Qui sait ce que peut faire
De ravage sans borne et de taches sans nom,
Dans un coeur vierge encor, plein d'un amour profond,
Le souvenir mortel d'une horrible misere?
Qui sait dans quelle nuit, dans quel abime obscur
Va se perdre a jamais une ame desolee?
Qui sait quel lupanar,--qui sait quel antre impur
Attend le desespoir au sortir d'une allee
Pour lui souffler au corps une vengeance usee?
Qui connaitra jamais de quel rude sillon
Se creuse un coeur atteint d'une telle torture
Et quel venin terrible en greffe la morsure
Sur le coeur le plus noble ou le plus noble front?
Qui connaitra jamais,--quand l'amour le renie,--
Ou va le malheureux, en se frappant le coeur,
Prostituer l'amour dont il faisait sa vie
Et, blasphemant son Dieu, son ame et son genie,
Rire lugubrement de sa propre douleur?
L'amour, le grand amour est ce baume supreme
Qu'a ses derniers soupirs on verse au moribond:
Il va mordre en plein coeur cette chair deja bleme,
L'homme peut naitre encor de sa souffrance meme,
Mais s'il succombe, alors le baume le corrompt.
V
La lune etait limpide; Alger, la blanche ville,
Depuis longtemps deja dormait profondement;
Et depuis la _Casbah_ jusqu'a la mer tranquille
On n'eut pas entendu le mulet d'un Kabile,
Ni vu glisser aux murs le manteau d'un amant.
La nuit splendide et calme etalait ses etoiles
Sur sa coupe d'azur: ou eut dit qu'au ciel bleu,
Par ces milliers de trous dans les plis de ces voiles,
La terre eut entrevu les domaines de Dieu.
La rue etait sans bruit. La plage solitaire,
Sous l'ecume d'argent que fait la vague arriere,
Bercait dans les echos son chant triste et reveur.
Pas un oiseau de nuit sur le rivage en pleur!
Nulle voix n'animait la muette mosquee.
Pas meme un frolement de Mauresque masquee
Gagnant quelque ruelle etroite et desertee:
Le port semblait une ombre et la ville un tombeau.
Cependant, a travers le murmure de l'eau
Se melait par moments, pour l'oreille attentive,
Un plus etrange accent que la brise plaintive
Qui, sur ces bords, le soir, incline l'oranger;
Plus sourd que le fracas des lames sur la greve
Et pareil a ces cris que l'on n'entend qu'en reve
Dans les folles terreurs d'un sommeil mensonger.
On
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