--Je suis melancolique.
Que j'aime la rougeur
De plaisir et de peur
Dont rougit, quand j'arrive,
Mon amante craintive!
--J'ai du noir dans le coeur.
Seigneur! qu'elle est jolie!
J'en ai fait ma folie;
Et sans elle, ici-bas,
Je n'existerais pas.
--Tout m'attriste et m'ennuie.
Sa soeur a de grands yeux
Bruns; mais les siens sont bleus.
On ne sait trop laquelle
Des deux est la plus belle.
--Je suis tres-malheureux.
Et, deux fois la semaine,
A l'eglise elle mene,
Ange plein de douceur,
Son tuteur et sa soeur.
--Comment guerir ma peine?
Ma main souffletterait
Quiconque toucherait
Un cheveu de la tresse
De ma jeune maitresse.
--J'eprouve un mal secret.
Le coeur me bat d'avance.
Le soir, lorsque je pense
Que va sonner pour nous
L'heure du rendez-vous.
--Quelle triste existence!
Certes, j'aime a plein coeur
Cette belle en sa fleur,
Et l'amour de ma mie
M'est plus cher que ma vie.
--Mais ... j'aime aussi sa soeur.
Paris, Avril 1866.
ROUTADE
Decidement, la mort est belle.
J'ai dix-neuf ans, et je m'en vais
Me faire sauter la cervelle,
Pour en finir a tout jamais.
Celle que j'aime s'evertue
A se cacher je ne sais ou:
L'ai-je revee ou l'ai-je vue?
N'importe, il faut que je me tue,
Pour qu'on sache que j'en suis fou.
Ce n'est point par amour du drame;
Mais enfin c'est original
De se tuer pour une dame
Que l'on a rencontree au bal.
DECLARATION D'ECOLIER
--A CONSTANT COQUELIN--
I
Madame, ayez la politesse
De m'ecouter, fut-ce un instant:
J'ai quinze ans, sans qu'il y paraisse,
Et je ne suis plus un enfant.
Veuillez donc, sans vous mettre a rire,
Me preter une oreille ou deux,
Car j'ai quelque chose a vous dire
De tres-grave et tres-serieux.
Je ne sais trop comment m'y prendre,
Le courage va me manquer:
Promettez-moi de me comprendre,
N'ayez pas l'air de vous moquer!
Ce que j'eprouve m'epouvante,
Mais m'epouvante ... au dernier point!
Et si vous croyez que j'invente,
Vous vous meprenez de bien loin.
Si vous connaissiez la nature
Du mal dont je suis chatie!
Vous feriez une autre figure,
Et m'auriez en grande pitie.
C'est un malaise fort bizarre,
Pour moi seul sans doute invente,
Et qui doit etre un cas tres-rare,
Peu connu de la Faculte.
C'est une espece de folie,
Bien effrayante, en verite
|