s ce ciel pas la moindre lune:
Un horizon a n'y rien voir.
Le givre desseche la terre,
La grande route solitaire
S'allonge en ruban deroule.
Sur la route deserte et blanche,
Legere comme un char aile,
Rapide comme une avalanche,
Une berline au grand galop;
L'hirondelle qui rase l'eau
Va moins gaiment que ma berline
Dont le postillon bien paye,
C'est-a-dire bien eveille,
Pour se donner meilleure mine,
A tous les echos d'alentour
Fait claquer son fouet, comme un sourd.
Dans la berline est une fille,
Au front tout rose de pudeur,
Qu'un flot de fourrure entortille,
Mourante d'amour ou de peur.
Elle est dans les bras d'un jeune homme.
Si vous croyez qu'ils font un somme,
C'est que vous connaissez bien mal
Le coeur humain en general.
Les baisers volent sur la route!
L'amour conduit les voyageurs!
Pour la fillette je redoute
Autre chose que les voleurs.
Les chevaux vont comme le diable!
La nuit est noire comme un four!
Le voyage a l'air agreable....
Hue! donc, beau postillon d'amour!
Mais je ne sais a quoi je pense
D'aller vous raconter cela.
S'il en est temps encor: defense
De lire ce chapitre-la!
C'est une affaire scandaleuse
Comme on n'en voit plus a Paris;
Vous devez la trouver affreuse,
Et je suis bien de votre avis.
En verite, c'est une histoire
Pleine d'une atrocite noire.
Pourtant ce fut dans cet etat
Qu'un beau soir Patrice emporta
Son amante Leonita.
V
O vous, pour qui j'ecris ces lignes!
--Et qui peut-etre les lirez,
Bien qu'elles ne soient pas tres-dignes
De l'honneur que vous leur ferez;--
Vous, les belles filles de France,
Vous, l'orgueil d'un ciel enchante,
Vous, le sourire et l'esperance!
Vous, la jeunesse et la beaute!
O vous a qui sourit l'Aurore,
A qui tous les bras sont ouverts,
Qui ne connaissez pas encore
Vos printemps d'avec vos hivers!
Vous, les vierges! Vous, les charmeuses!
Dont le coeur, peureux et hardi,
A des langueurs mysterieuses
Dans un corps jeune comme lui!
Vous, pour qui la coupe est remplie
Et qui vous sentez d'y gouter
Presqu'autant de peur que d'envie!
Vous qui faites aimer la vie
Ou qui la faites redouter!
Vous, pour qui les vieillards moroses
Ont des regards pleins de regrets!
Vous, pour qui les roses sont roses
Et les bleuets bleus tout expres!
Vous, pour qui chantent les poetes,
Pour qui les
|