brise en morceaux.
L'OUBLI.
Ami, quel que soit le martyre
Du supplice qui te dechire,
Je ne puis aller avec toi.
Pourquoi faut-il qu'en cette vie,
Celui qui m'implore et supplie
Ne puisse attendre rien de moi?
Helas! telle est ma destinee
Que ceux dont la voix eploree
Du fond de leur nuit desolee
M'appelle du soir au matin,
Sont les seuls de qui ma puissance
N'apaisera pas la souffrance.
Laisse-moi passer en silence,
Ami, j'obeis au Destin.
LE POETE.
Va donc.... Et maintenant du mal qui te harcele
Meurs, o mon triste coeur, brise par ton amour.
Seigneur! ne vois-tu pas que ce coeur est plein d'elle,
De celle qu'en tous lieux ma pauvre ame rappelle;
Et que ce souvenir d'une amour immortelle
Poursuit ton pauvre enfant sans treve et sans retour?
Dieu tout-puissant! quel est le destin qui me pousse?
O mystere eternel! que viens-je faire ici?
Meurs plutot. Que ce soit la derniere secousse!
Ah! cent fois mieux valait mon eternel ennui
Qu'un amour qui me laisse une telle blessure!
Mieux vaudrait le degout que le mal que j'endure,
Mieux vaut n'aimer jamais que souffrir la torture
Dont l'amour nous flagelle ou qu'il laisse apres lui!
Au moins, que cette amour, mon Dieu, soit la derniere!
Qu'elle brise mon coeur en atomes si fins,
Qu'il n'en reste pas meme une trace ephemere!
Et que le vent d'automne en chasse la poussiere
Devant la feuille d'arbre et l'ecume legere
Que son souffle, au hasard, seme par les chemins!
1864.
IMPRESSIONS DE VOYAGE
I
Elle m'apparut, rasant l'eau,
Dans le sillage du vaisseau.
C'etait le soir, elle etait belle.
J'avais vingt ans depuis un jour;
Je compris qu'elle etait l'Amour,
Et je tendis les bras vers elle.
Son sourire etait caressant.
Elle me fit signe en passant
De la suivre a travers les ombres.
Mais soudain je la vis palir,
Pencher sa tete et s'engloutir
Parmi la mer Blanche, au flots sombres.
II
Quatre ans plus tard, sous d'autres cieux,
Las de trainer, silencieux,
Mon coeur et ses vaines alarmes,
Un matin je la reconnus,
Sortant des flots comme Venus,
Et riant a travers des larmes.
D'un pied reveur elle sillait
L'onde, ou son reflet vacillait
Comme dans un miroir qui bouge.
"Ton nom?" fis-je. Elle repondit:
"L'Esperance!" et se confondit
Avec l'azur de la mer Rouge.
III
Plus tard encore, errant
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