!
Car elle est a la fois remplie
De douceur et de cruaute.
Mais ce que je tremble de dire,
C'est qu'en tous temps, c'est qu'en tous lieux,
Ce qui me cause ce martyre,
Condamnable et mysterieux,
C'est ... cela va bien vous surprendre;
Ah! madame, pardonnez-moi!
C'est vous!--Et vous devez comprendre
A present quel est mon emoi.
Je sens le rouge qui me monte!
Surtout, jurez-moi le secret;
Car, bien sur, je mourrais de honte
Le jour ou cela se saurait.
Oui, c'est vous qui troublez ma vie,
Vous dont l'image me poursuit,
Vous, ma douleur et ma folie!
Vous, mon soleil, et vous, ma nuit!
C'est vous, quand la lune eploree
Sur mes vitres vient scintiller;
C'est vous, dans sa lueur nacree,
Vous dont je vois les yeux briller!
Et si le sommeil, faisant treve,
Gagne un instant mon front pali,
C'est vous encor que dans mon reve
Je vois passer pres de mon lit!
C'est vous dont je vois le sourire!
C'est vous dont je sens le toucher!
Et meme, alors que je respire,
C'est vous que j'entends respirer!
Je sens votre main qui m'effleure,
Et je m'eveille en etouffant,
Et je me desole et je pleure,
Et je pleure comme un enfant.
Et cette vision m'est chere,
Madame, et chere ma douleur....
Ah! ne vous montrez point severe,
Car vous me briseriez le coeur!
II
Je sais que j'aurais du me taire.
Mais n'en ayez point de courroux.
Ayez pitie de ma misere,
Laissez-moi vivre aupres de vous.
Laissez-moi vous voir, vous entendre.
Laissez-moi toucher votre main;
Je ne sais ce qui m'a pu prendre,
Mais ce sera passe demain.
Il me faut pourtant vous apprendre
Que cela m'a pris tout d'un coup,
Sans que j'y pusse rien comprendre,
Un jeudi qu'il neigeait beaucoup!
Vous etiez en fourrure grise;
C'etait a Paris, cet hiver.
Je me rappelle votre mise
Tout comme si c'etait hier.
Vous veniez de monter tres-vite,
Ma mere etait a la maison!
Vous alliez faire une visite,
Et je sortais de ma lecon.
Vous aviez quelques airs de reine
Que je trouvais fort de mon gout,
Mais vous me regardiez a peine,
Et vous m'intimidiez beaucoup.
Quant a moi, malgre ma contrainte,
Je vous regardais de mon mieux,
Et j'ai si bien pris votre empreinte,
Que je l'ai toujours dans les yeux.
Pour vous voir monter en voiture
Je collai mon front aux carreaux,
Et restai dans cette posture
Tant que je pus voir vos
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