dire la chose; mais la France, ignorant la chose, n'a pu nous
fournir le mot: nous l'avons donc cree, c'etait notre droit.
Il en est de meme de plusieurs autres mots que notre climat et nos
conditions speciales de vie publique ou privee ont fait naitre
spontanement. Ainsi, nos hivers creent un genre d'existence que la
langue francaise academique est impuissante a decrire; c'est a la langue
franco-canadienne que cela est naturellement devolu. De fait, cette
these semble reconnue par l'Academie elle-meme, qui admet l'expression
toute canadienne "Faire _portage_."
II. Nous employons un bon nombre de mots qui, rejetes par l'Academie,
nous sont venus toutefois de France; ils appartiennent a quelque patois.
On trouvera dans ce glossaire le premier releve qui en ait ete fait.
Au Canada, l'on ne constatera point sans surprise cette ingerence des
patois; mais, reflexion faite, on se dira que ce glossaire est bien
petit pour une _province francaise_, et que, dans son ensemble, la
langue academique est vraiment la langue populaire chez nous.
En France, on aimera sans doute a retrouver au sein de nos populations
ces vieilles locutions qui datent de Montaigne et de Rabelais, tous ces
mots du pays normand, breton, picard, berrichon, qui ne sont pas
sanctionnes par l'Academie; mais qui n'en sont pas moins de provenance
francaise. Toutes ces expressions prouvent notre origine; elles sont
autant de certificats de nationalite. Aussi je me flatte qu'au point de
vue ethnologique, ce travail aura un certain interet.
D'ailleurs, je me rappelle un mot de Charles Nodier qui autorise mes
recherches: "Si les patois n'existaient plus, il faudrait creer une
academie pour les retrouver."
III. Il en est des anglicismes comme de tous les neologismes; ils
peuvent enrichir la langue ou l'appauvrir, selon qu'ils sont faits a
propos ou sans necessite. Puis il y a ceux sortes d'anglicismes, soit
qu'on emprunte a l'anglais des tournures de phrase, ou qu'on en adopte
certains mots. Quant aux tournures, elles sont, ce semble, toujours
condamnables et ne peuvent qu'enlever a la langue une partie de sa
distinction, de son originalite; c'est dans les mots seulement que nous
pouvons trouver une augmentation de richesse; le secret consiste a les
bien choisir.
Ce choix, nous l'avons fait en plus d'un cas d'une maniere fort
heureuse, et souvent avec plus de discretion que les Francais eux-memes.
Ceux qui ont assiste aux courses de chevaux en France e
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