ent, en contour precis.
Alors il eut un mouvement brusque, comme s'il venait de recevoir
une balle, et il chancela, s'appuya a la petite porte qui se
trouvait pres de lui.
Il avait vu une chose qui fit palir encore sa figure tannee par le
soleil, et deja palie a la pensee de la jeune fille qui etait si
pres de lui.
A l'endroit meme ou la route faisait une courbe, et a moins de
deux cents yards de distance, il voyait une masse noire se mouvant
sur la courbe et perdue dans l'ombre de la colline.
Cela ne dura qu'un moment, mais ce moment suffit a son coup d'oeil
exerce de forestier, a sa rapidite de perception, pour se rendre
compte de la situation dans tous ses details.
C'etait une troupe de cavaliers qui se dirigeaient vers la villa,
et quels pouvaient etre ces cavaliers nocturnes, sinon les gens
qui terrifiaient le pays forestier, les redoutes coureurs de la
Brousse.
Abe etait, il faut le dire, d'une intelligence lente et se mouvait
lourdement dans les circonstances ordinaires.
Mais a l'heure du danger, il etait aussi remarquable par son sang-
froid et sa resolution que par sa promptitude a agir d'une maniere
decisive.
Tout en s'avancant a travers le jardin, il calcula les chances
qu'il avait contre lui.
Selon l'evaluation la plus moderee, il avait une demi-douzaine
d'adversaires, tous gens determines a tout et ne redoutant rien.
Il s'agissait de savoir s'il pourrait les tenir pendant un instant
en echec et les empecher de penetrer par force dans la maison.
Nous avons deja dit que des sentinelles avaient ete postees dans
la rue principale de la ville. Abe se dit qu'il arriverait de
l'aide moins de dix minutes apres le premier coup de feu.
S'il s'etait trouve dans l'interieur de la maison, il aurait ete
sur de tenir bon plus longtemps que cela. Mais les coureurs de la
Brousse arriveraient sur lui avant qu'il eut pu reveiller les
habitants endormis et se faire ouvrir.
Il devait se resigner a faire de son mieux.
En tout cas, il prouverait a Carrie que s'il ne savait pas lui
parler, il etait du moins capable de mourir pour elle.
Cette idee fit passer en lui une vraie flamme de plaisir, pendant
qu'il rampait dans l'ombre de la maison.
Il arma son revolver: l'experience lui avait appris l'avantage
d'etre le premier a tirer.
La route par laquelle arrivaient les coureurs de la Brousse
aboutissait a une porte de bois donnant sur le haut du petit
jardin de l'essayeur.
Cette porte etait
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