Les autres en firent autant, par esprit d'imitation.
Apres tout, la demoiselle n'etait pas pour eux et ils mettaient
peu d'entrain a la besogne.
Leur capitaine s'elanca furieusement en avant, comme un courageux
bandit qu'il etait, mais il fut accueilli par un coup formidable
que lui porta Abe, avec la crosse de son pistolet, coup lance avec
une telle violence qu'il recula en chancelant parmi ses
compagnons, le sang ruisselant de sa machoire brisee, mis hors
d'etat de lancer un juron au moment meme ou il en sentait le
besoin le plus urgent.
-- Ne partez pas encore, dit la voix partant des tenebres.
Mais ils n'avaient nullement l'intention de partir tout de suite.
Quelques minutes devaient s'ecouler, ils le savaient, avant qu'ils
eussent sur eux les gens de l'Ecluse de Harvey.
Ils avaient encore le temps d'enfoncer la porte s'ils pouvaient
venir a bout des defenseurs.
Ce que redoutait Abe se realisa.
Ferguson le Noir connaissait la maison aussi bien que lui.
Il courut de toute sa vitesse le long de la haie. Les cinq hommes
s'y frayaient passage a grand bruit partout ou il paraissait y
avoir une ouverture.
Les deux amis echangerent un regard.
Leur flanc etait tourne. Ils resterent la, pareils a des gens qui
connaissent le sort qui les attend et ne craignent pas de
l'affronter.
Il y eut une melee furieuse de corps noirs au clair de lune,
pendant qu'eclatait un cri sonore d'encouragement lance par des
voix connues.
Les farceurs de l'Ecluse de Harvey se trouvaient en presence d'une
situation bien plus extraordinaire que la mystification a laquelle
ils venaient assister.
Les associes virent pres d'eux des figures amies, Shamees,
Struggles, Mac Coy.
Il y eut une reprise desesperee, un corps a corps decisif, un
nuage de fumee d'ou partaient des coups de feu, des jurons
farouches et, quand il se dissipa, on vit une ombre noire s'enfuir
toute seule pour sauver sa vie, en franchissant l'ouverture de la
haie.
C'etait le seul des coureurs de la Brousse qui fut reste debout.
Mais les vainqueurs ne jeterent aucun cri de triomphe.
Un silence etrange regna parmi eux, suivi d'un murmure
compatissant, car en travers du seuil qu'il avait defendu si
vaillamment, gisait le pauvre Abe, l'homme au coeur loyal et
simple.
Il respirait peniblement, car une balle lui avait traverse les
poumons.
On le porta dans la maison, avec tous les menagements dont etaient
capables ces rudes mineurs.
Il y a
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