tinuaient leur grand murmure. Emma
serrait son chale contre ses epaules et se levait."
Penetrant davantage la sourde eclosion de ses sentiments, d'incessantes
metaphores materielles disent le neant de son existence a Tostes, son
intime rage de femme laissee vertueuse, par le depart de Leon et son
exultation aux atteintes d'un plus male amant:
"C'etait la premiere fois qu'Emma s'entendait dire ces choses; et son
orgueil, comme quelqu'un qui se delasse dans une etuve, s'etirait
mollement et tout entier a la chaleur de ce langage."
Et encore la contrition grave de sa premiere douleur d'amour:
"Quant au souvenir de Rodolphe, elle l'avait descendu tout au fond de
son coeur; et il restait la plus solennel et plus immobile qu'une momie
de roi dans un souterrain. Une exhalaison s'echappait de ce grand amour
embaume et qui, passant a travers tout, parfumait de tendresse
l'atmosphere d'immaculation ou elle voulait vivre."
Puis des recits d'imagination[1], aussi nombreux chez Flaubert que les
recits de debats interieurs chez Stendhal, completent ces comparaisons,
devoilent en Mme Bovary l'ardente montee de ses desirs, l'existence
ideale qui ternit et trouble son existence reelle. Des hallucinations
internes marquent son exaltation romanesque quand elle vit a Tostes,
amere et decue; de plus confuses, le desarroi de son esprit tandis
qu'elle cede a la fete des comices sous les declarations de Rodolphe;
d'autres, l'elan de son ame liberee quand elle eut obtenu de partir avec
son amant; des imaginations confirment et attisent sa derniere passion
que mine sans cesse l'indignite de son amant, et emplissent encore de
terreur sa lamentable fin.
De ces procedes, ce sont les moins artificiels qui subsistent dans
l'_Education sentimentale_; les personnages de ce roman sont montres par
de tres legeres indications, un mot, un accent, un sourire, une paleur,
un battement de paupieres, qui laisse au lecteur le soin de mesurer la
profondeur des affections dont on livre les menus affleurements. Les
conversations de Frederic et de Mme Arnoux, puis ce diner ou celle-ci,
Mme Dambreuse et Mlle Roques, reunies par hasard, entrecroisent
curieusement les indices de leurs amours et de leurs soucis, montrent la
perfection de ce procede, qui est encore celui des oeuvres epiques, et
de tout psychologue qui ne substitue pas l'analyse interne a la
description par les dehors.
Il faut retenir en effet combien ces procedes de Flaubert conviennent
a
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