ne dans le monde des reves.
Sur ce, bonsoir et encore merci, et a vous de tout coeur.
G. SAND.
CDLVI
A MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE, A ANGERS
Nohant, 12 fevrier 1860.
Chere mademoiselle,
Je voudrais me mettre a votre point de vue, et trouver, dans votre
croyance, une ancre de salut a vous indiquer. Mais je ne crois pas a
l'institution catholique, et toute forme arretee dans la pratique
du culte me semble un obstacle entre Dieu et l'ame qui se connait.
Vous-meme, vous vous revoltez contre l'efficacite du pretre, puisque
vous n'en trouvez aucun qui vous console et vous rassure.
Vous vous faites de Dieu une idee trop etroite et vous ne voyez en lui
qu'un juge faconne a l'image de l'homme. Cela m'etonne de la part d'un
grand coeur et d'un grand esprit comme vous. Il faut que votre cerveau
soit malade; et, je vous l'ai dit souvent, vous devriez changer
momentanement de milieu, voyager un peu, aller a Paris, secouer enfin
cette melancolie noire qui vous ronge et qui n'a rien d'agreable a la
Divinite, rien d'utile a vos semblables.
Si c'est une vertu que de se tourmenter ainsi, ou du moins si c'est la
preuve d'une grande modestie de l'ame et d'un grand elan vers le Ciel,
vous avez assez souffert, vous vous etes assez dechire et mortifie le
coeur, pour etre bien sure, a present, que tout est expie et que vous
etes completement purifiee de vos pretendues fautes, auxquelles je ne
crois pas du tout.
Relevez-vous donc de cet abattement; car, fussiez-vous reellement tres
criminelle, Dieu, source de toute bonte, ne veut pas qu'on doute de lui,
ni qu'on s'occupe tant de soi-meme, lorsque la vie n'est pas trop longue
pour l'aimer et lui rendre grace. Il serait plus religieux de contempler
l'idee de sa perfection que d'examiner notre propre faiblesse avec tant
de crainte et de sollicitude.
Croyez-moi toujours bien reconnaissante de votre affection et bien
affligee de vos peines.
GEORGE SAND.
CDLVII
A MAURICE SAND, A GUILLERY
Nohant, 16 mai 1860.
Peut-etre es-tu a Paris, ou en train d'y revenir. Tu y trouveras mes
lettres, et celles de ce soir te signalent l'heureuse arrivee de toutes
tes betes.
J'ai d'abord donne les plantes au jardinier, avec les instructions
ecrites et verbales. L'euphorbe n'est presque pas fletrie, et, au bout
du compte, ton emballage a _la Robinson dans son ile_ etait tres bien
fait.
La sala
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