vivant et aimant, celui de mon Lucien[1], qui a ete si
affectueux pour moi, qui a tant pleure pour moi, a ce qu'on m'a dit,
tout cela s'est joint aux excellents soins de mon pauvre Maurice, et de
mon adorable petit vieux docteur Vergne.
Vous m'avez donc tous ramenee a la vie. J'ai senti, sur mon lit
d'agonie, que vous ne vouliez pas que je mourusse, et j'ai secoue la
torpeur finale.
Ainsi, au lieu de vous dire que je suis fachee du triste voyage que
je vous ai fait faire, je vous en remercie; car je suis sure que ma
destinee a voulu que vous vinssiez aider a me sauver.
Je suis encore faible pour ecrire; mais je veux vous dire que la force
m'est revenue pour vous aimer et vous embrasser de tout mon coeur, ainsi
que le cher cousin, et vos enfants, tous vos enfants, y compris Raoul,
que je me figure connaitre, quoique je sache bien ne pas l'avoir vu.
Maurice vous embrasse de toute son ame.
Au revoir, chere belle cousine, a Paris et a Nohant.
G. SAND.
[1] Lucien Villot, fils de madame Villot.
CDLXII
A SON ALTESSE LE PRINCE NAPOLEON (JEROME), A PARIS
Nohant, 9 decembre 1860.
Chere Altesse imperiale,
Voici l'exemplaire de l'ouvrage de mon fils que vous avez bien voulu
vous charger de faire agreer _al re galantuomo._ Si Maurice ne vous le
porte pas lui-meme, c'est qu'il me soigne encore un peu. Je vous envoie
aussi la lettre qu'il a ecrite a ce heros, dont il est justement
epris.--Le maudit heros! il m'a pourtant forcee, moi, d'abjurer l'idee
republicaine italique! Devant tant de patriotisme, de bravoure, de
loyaute et de simplicite (caractere de la vraie grandeur), les theories
ont tort, le coeur est pris; et c'est le coeur qui gouverne le monde on
a beau dire que les hommes ne valent rien, c'est le _sentiment_ qui fait
les vrais miracles de l'histoire.
Mon fils avait ecrit cette lettre et me l'avait remise il y a deja
longtemps; mais le relieur a tarde a finir la reliure, et, alors, vous
avez ete frappe d'un malheur que j'ai vivement ressenti pour vous et
avec vous. Je n'ai pas voulu vous importuner de cet envoi. Et puis est
venue ma maladie et l'imbecillite de la convalescence. D'ailleurs,
Victor-Emmanuel avait bien d'autres _chats a fouetter_, que d'ouvrir un
livre d'art pur et simple. Mais ce livre est un hommage rendu au genie
italien, et, parmi les plus humbles droits, il a celui d'etre mis aux
pieds du liberateur de l'Italie. Un mot de vous explique
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