l'on
a modifie la division de l'action dramatique, de telle sorte l'_Othello_
est devenu une piece en huit actes. Il est clair ici que je ne m'en
prends pas a l'auteur qui n'a fait en somme que se plier aux exigences
theatrales. C'est donc a la mise en scene que j'en ai.
Un acte est une division dramatique qui doit avoir un commencement
et une fin, dont toutes les parties sont indissolubles, et dont
par consequent la representation ne doit pas offrir de solution de
continuite pour les yeux, puisqu'elle n'en offre pas pour l'esprit. Dans
un entr'acte, si court qu'il soit, un poete peut faire tenir un temps
quelconque si grand qu'il soit. En generalisant le phenomene, on peut
dire que dans un temps reel infiniment petit nous pouvons faire tenir un
temps imaginaire infiniment grand. On en a une preuve dans ce fait que
dans une seconde de sommeil le reve fait entrer une suite considerable
d'evenements. La duree des entr'actes est donc sans rapports avec le
temps suppose ecoule par le poete et avec le nombre d'evenements
qu'il imagine s'etre passes entre deux actes. Donc, en allongeant un
entr'acte, nous ne rendons nullement plus plausible l'intervalle plus ou
moins grand de temps, suppose ecoule entre les deux moments de l'action
au milieu desquels il s'intercale. La duree d'un entr'acte n'est pas
proportionnelle a l'accroissement du temps. Voila une des faces du
phenomene; examinons l'autre.
Quand le rideau tombe, l'esprit du spectateur, degage de l'etreinte du
poete, redevient immediatement libre. Il y a dans cette chute du rideau,
dans cette disparition absolue du spectacle, un signe manifeste de
l'interruption de l'action dramatique. Une partie de cette action est
des lors accomplie, et l'esprit du spectateur est pret a franchir
l'espace de temps que voudra le poete, mais non a accepter, quand le
rideau se relevera, une contiguite entre les deux tableaux, et une
continuation, apres interruption, du moment precedent de l'action. Un
acte represente une suite de sensations etroitement associees; si
donc, entre deux tableaux appartenant a un meme acte, on intercale un
entr'acte, on brise un anneau de la chaine des sensations, qui doivent
se succeder sans interruption pour se fondre dans une sensation generale
et totale. L'esprit du spectateur est donc oblige de reconstruire
retrospectivement la suite interrompue de ses sensations, de revenir
de lui-meme sur l'idee de fin qui s'etait formee en lui: au lieu d'un
mouvement
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