e la vie reelle n'entrent que pour fort peu de chose
dans la representation des personnages classiques. Ce sont surtout des
passions heroiques ou criminelles et de grandes infortunes dans la
tragedie, des vices et des travers generaux dans la comedie, qui
demandent a etre traitees synthetiquement, tandis que le theatre moderne
exige du comedien un esprit d'analyse toujours en eveil. La tragedie de
Corneille et de Racine et la comedie de Moliere commandent donc, sans
appuyer ici sur l'etude psychologique des roles, une grande largeur
de diction, une elocution tres nette degagee des a peu pres de la
conversation courante, une science du geste d'autant plus grande qu'il
est plus rare et qu'il a un rapport plus etroit avec le texte poetique,
une attitude qui n'a jamais le droit d'etre vulgaire ou qui, dans
l'emportement meme des passions, ne doit jamais manquer de dignite.
Les acteurs qui abordent ces roles sont obliges d'exercer sur eux une
contrainte severe, de maitriser tout mouvement qui pourrait trahir leur
personnalite moderne, de tenir enfin leur etre tout entier sous la
dependance de la passion dont ils prennent le langage ou du caractere
general aux impulsions duquel se plie l'action dramatique.
Largeur, simplicite, sobriete, mais precision dans les effets, telle
est la loi de composition de tous les roles classiques. Il n'y a pas de
meilleure ecole pour les comediens; et c'est l'influence permanente
de l'ancien repertoire qui fait la superiorite incontestable de la
Comedie-Francaise sur tous les autres theatres. Tour a tour, entre les
representations d'une piece moderne qui doit garder l'affiche pendant
trois ou quatre mois, chaque societaire reprend la tunique d'Hippolyte
ou les rubans verts d'Alceste, reforme son corps, son attitude, sa
demarche, ses gestes a la severite sculpturale de l'antique ou a
l'aisance aristocratique du grand siecle, et accorde de nouveau son
oreille aux harmonies du vers de Racine ou aux larges mouvements
aisement cadences de la prose de Moliere. Les comediens qui passent par
ces epreuves se corrigent ainsi incessamment du maniere, du cherche,
des gestes inconscients et des defauts de diction inherents a la
conversation courante. Quand ils abordent les roles du theatre moderne,
ils en elargissent les effets, les haussent en quelque sorte d'un ton,
et ne sont pas sans influence sur les auteurs qui ecrivent pour eux
et qui par suite elevent leur ideal et celui meme de la foule qui les
ap
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