sard? Est-elle le fait de la volonte
determinee de quelques auteurs? Est-ce par caprice ou par ennui que le
public s'en est detourne? Je crois peu au hasard dans la destinee des
choses et tres peu a l'influence des hommes sur l'evolution de leurs
idees et les modifications de leur gout. Nous nous developpons sous
l'empire de causes et de lois qui nous echappent, et nous savons
aujourd'hui, par exemple, que nos langues, quels que soient les efforts
souvent contraires des savants, naissent, se developpent, s'epanouissent
et meurent suivant des lois ineluctables. C'est dans ce cas l'ignorant
qui est l'instrument inconscient de la nature, et tout ce que nous
pouvons savoir ou deviner, c'est que les races humaines, leurs idees,
leurs langues et leurs arts obeissent comme tous les etres, comme
les plantes elles-memes, dans leur lente evolution, aux memes causes
premieres et presentent aussi leur epoque de germination, de croissance,
de floraison et de mort. Mais nulle part ici-bas la mort n'est un
aneantissement dans le sens exact du mot; c'est une dissolution de
parties, une desagregation suivie d'une redistribution des elements
suivant de nouvelles combinaisons, en un mot, une transformation de
matiere et un transport de forces. Si donc le vaudeville a disparu, il
faut y voir non une perte absolue, definitive, mais une transformation
dans la matiere plastique du drame et un transport ainsi qu'une
redistribution nouvelle de la force emotionnelle.
Et en effet, le vaudeville a disparu dans une evolution de l'art
dramatique moderne, evolution qui a consiste en ce que la musique,
d'exterieure et d'etrangere qu'elle etait, est montee a son tour sur la
scene et est devenue un personnage du drame. Jadis la musique etait
une puissance que le poete conservait dans la main, qu'il dechainait
directement sur le spectateur, renforcant ainsi les moyens dramatiques,
et qu'il employait comme un resonateur destine a amplifier et a
multiplier le pathetique. C'etait toujours par rapport au drame une
puissance objective. Aujourd'hui, la musique est devenue une puissance
subjective; elle fait partie integrante de l'action dramatique, et le
point ou s'applique directement cette force emotionnelle n'est plus dans
l'ame du spectateur, mais dans l'ame meme des personnages du drame. Art
plus profond et plus eleve, puisque l'emotion que provoque en nous la
musique n'est plus etrangere a l'action, mais au contraire nait en nous
sympathiquement du trou
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