nages, lorsque la situation determine en
eux l'apparition d'un sentiment de tristesse ou de joie, le chant qui
succede chez eux au langage parle donne a leur voix une qualite musicale
correlative de nos sentiments, et ajoute a la valeur de l'idee, exprimee
par le couplet, l'expression intense qu'un genre aussi leger ne
comporterait pas et que la musique ajoute sans transition, sans effort,
par l'effet seul de sa puissance propre. Dans le vaudeville, la musique
est donc un multiplicateur du sentiment qu'eprouvent ou qu'expriment
les personnages. Mais, qu'on le remarque, elle n'a aucun pouvoir sur
eux-memes; c'est un procede accessoire d'expression qu'emploie l'auteur,
aide du musicien, pour donner a ses personnages plus d'action sur l'ame
des spectateurs. Si la musique n'est plus ici, comme dans le melodrame,
en dehors du spectacle, elle n'en reste pas moins en dehors de l'action
dramatique.
L'ancien vaudeville etait presque toujours une piece gaie, aimable,
dans laquelle ca et la une pointe de sentiment, nee de l'action, etait
habilement saisie par l'auteur, qui fixait ce sentiment dans un couplet
et au moyen de la musique en multipliait l'effet. Puis le dialogue vif,
alerte reprenait, et le vaudeville continuait sans grande ambition
litteraire, eveillant ainsi de temps a autre la sensibilite du public.
Spectacle aimable, sans fatigue, plaisir mele d'un attendrissement
delicat et modere, comme il sied a un public qui n'a pas besoin d'etre
violemment secoue. La vie etait alors plus facile et plus unie; le
spectacle etait une recreation qu'on goutait innocemment, un jeu dont on
connaissait l'artifice et auquel on s'abandonnait sans arriere-pensee,
pour le plaisir du jeu lui-meme. Tous les hommes qui sont au declin de
leur vie ont connu le vaudeville dans toute sa gloire, surtout s'ils ont
commence de bonne heure a aller au theatre, et ont conserve un souvenir
ineffacable des douces emotions qu'il leur a fait eprouver. Et cependant
sa gloire aussi a passe. Aujourd'hui, le vaudeville est mort a jamais,
et ses quelques soubresauts sont ceux d'une agonie qui se prolonge.
Les hommes de ma generation le regrettent, mais c'est en vain qu'ils
esperent pour lui un retour de fortune. Ce ne pourrait etre que
le resultat d'une mode passagere. Le vaudeville a vecu; et il ne
ressuscitera pas plus que le genie dramatique de Scribe.
Mais d'ou vient la disparition de ce genre particulier de la litterature
dramatique? Est-elle due au ha
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