lus en plus restreints. D'ou resulterait la
necessite d'accroitre indefiniment le nombre d'acteurs composant une
troupe de theatre. Cette necessite a pour consequence immediate:
premierement, la disparition des troupes de province; deuxiemement,
la fusion en une seule de toutes les troupes existant a Paris;
troisiemement, l'exploitation des theatres de province par les troupes
de Paris. La premiere consequence s'est aujourd'hui entierement
realisee: les quelques troupes qui resistent encore se ruinent ou se
ruineront. Le moment approche ou il n'y aura plus un seul theatre de
province vivant de sa vie propre. La seconde consequence se fait deja
sentir. Les acteurs, pour la plupart, ne contractent plus que des
engagements temporaires, qui se restreignent souvent a l'exploitation
d'une piece. Les acteurs passent d'un theatre a l'autre sans se fixer
definitivement. Les directeurs font des emprunts quotidiens aux troupes
de leurs confreres: d'ou nait une tendance naturelle a mettre en commun
leurs ressources, c'est-a-dire leurs theatres, leurs capitaux, leurs
acteurs, leurs decors et leur materiel. La troisieme consequence a porte
tous ses fruits: troupes d'hiver, troupes d'ete, troupes de villes
d'eau ou de villes de jeu, toutes s'organisent a Paris au moyen des
disponibilites existantes en personnel et en materiel.
Quelles sont maintenant les consequences de cette heterogeneite sur
l'art theatral. Produit de l'analyse, elle pousse les artistes dans la
voie de l'analyse. Les images ou idees, de generales qu'elles etaient,
se decomposent en images ou idees particulieres; celles-ci se
differencient les unes des autres par des caracteres qui, negliges jadis
ou habilement fondus dans l'ensemble, s'accusent et prennent un relief
inattendu. De la un travail incessant des comediens pour mettre en
saillie ces traits particuliers et speciaux; de la, la recherche du
detail et par suite l'introduction de plus en plus frequente du reel.
Dans la comedie de Moliere, pour prendre un exemple, l'argent ne s'est
pas encore incarne dans un personnage special; mais au XVIIIe siecle
nous voyons se dessiner l'image du financier. Aujourd'hui cette image,
beaucoup trop generale pour nous, s'est decomposee et nous fournit les
images du banquier, de l'agent de change, du quart d'agent de change, du
boursier, du coulissier, etc. Ce qui distingue ces personnalites,
issues d'une personnalite plus generale, ce sont, non des differences
essentielles, ma
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