plaudit.
C'est par le commerce qu'elle entretient avec les grands ecrivains du
XVIIe siecle que la Comedie-Francaise maintient dans sa troupe d'elite
les belles traditions et les principes les plus eleves de l'art
dramatique, qu'elle agit a son tour sur les productions de l'esprit, et
qu'elle exerce une influence intellectuelle et morale, non seulement sur
la societe francaise, mais encore sur l'Europe entiere et sur tout
le monde civilise. C'est presque toujours a son ecole, au moins
indirectement, que se sont formes les comediens qui vont secouer le rire
sur notre triste univers, et prouver par leur presence sur tous les
points du globe l'universalite de la langue francaise et le charme
encore triomphant de l'esprit francais.
Concluons donc que dans notre societe democratique, ou le nombre tuera
l'ideal, s'il n'est conquis par lui, le maintien du repertoire classique
a l'Odeon et a la Comedie-Francaise (joint a une reformation urgente
de l'enseignement du Conservatoire) est en quelque sorte une mesure de
renovation sociale, de relevement intellectuel et moral et de salut
artistique. Mais ce n'est que par de larges subventions qu'on peut
leur imposer le maintien de ce repertoire, qui exige des sacrifices
permanents et d'incessants labeurs. Le jour ou le Corps legislatif, dans
un esprit d'ignorance ou d'aveuglement, supprimerait ou diminuerait
seulement ces subventions, il porterait du meme vote un coup funeste a
l'art francais; il assurerait a bref delai l'envahissement de tous les
theatres par les adeptes les moins scrupuleux de l'ecole, realiste et
tarirait a l'avance dans les yeux de nos enfants la source des plus
douces larmes qui se puissent verser ici-bas.
Abandonnons cette perspective heureusement lointaine et reprenons pied
sur la scene. Rappelons que, parmi les acteurs qui, en dehors de la
Comedie-Francaise, forcent l'admiration du public, les meilleurs sont
ceux qui, au Conservatoire ou a l'Odeon, ont eu le bonheur de traverser
le repertoire classique. Que ne peuvent-ils aller de temps a autre s'y
retremper librement, y refaire leurs forces, s'y perfectionner dans
l'art de bien dire; et, apres avoir trop longtemps joue un personnage
laid et vulgaire, que ne peuvent-ils, comme Mercure, s'en aller au ciel,
avec de l'ambroisie, s'en debarbouiller tout a fait!
CHAPITRE XXXVI
Du role de la musique au theatre.--La puissance musicale.--Le
melodrame.--Le vaudeville.--Evolution de l'art dramatique.--La m
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