jette tout compromis, par mepris
irraisonne de l'ideal, elle usera ses forces a des besognes minuscules,
et l'art desagrege se dispersera en poussiere.
Jusqu'a present, l'ecole hesite a aborder le theatre par le
pressentiment qu'elle a d'echouer ou d'etre obligee d'abandonner ce
que ses theories ont d'absolu. Toutefois je crois a des tentatives
prochaines, car laisser le theatre en dehors de sa sphere d'action
serait pour l'ecole un aveu d'impuissance. Apres avoir bataille sur les
ouvrages avances, il lui faut donner l'assaut au corps de place. Si
l'experience echoue, elle sera courte, mais laissera pendant assez
longtemps l'art dans une tres grande confusion; si elle reussit, elle
renouvellera le theatre, en agrandissant en quelque sorte la superficie
dramatique; et l'art, bien qu'abaisse en dignite, puisque son ideal
sera moins eleve, entrera cependant dans une periode de fecondite
extraordinaire, car tous les sujets traites depuis deux mille ans, et
quelques-uns a satiete, reprendront une vie nouvelle par suite de cette
transfusion de sang moderne.
CHAPITRE XXXIX
Role actuel de la mise en scene.--La loi de concentration.--Du
naturalisme moderne.--De la puissance psychologique de la nature.--La
realite est une cause formelle et non finale d'une evolution
dramatique.--_L'Ami Fritz._--Rapports de la mise en scene avec la
conception poetique.--_Il ne faut jurer de rien._--De l'imitation
theatrale.
Quel role particulier est appelee a jouer la mise en scene dans cette
evolution de l'art dramatique? C'est un point qu'il me reste a examiner.
Jusqu'a present, il parait y avoir beaucoup de confusion dans les idees
de ceux qui se reclament de l'ecole realiste. Les theatres semblent
obeir a une tendance dangereuse qui ne peut aboutir qu'a leur ruine
sans profit pour l'art. Cette tendance consiste a transformer la
representation du reel en une sorte de presentation directe, de
telle sorte qu'ils cherchent a s'affranchir du procede artistique de
l'imitation et mettent leur ambition a nous interesser a la vue des
objets eux-memes. Ainsi compris, l'art de la mise en scene aurait sa fin
en lui-meme, ce qui serait, pour qui reflechit, son aneantissement, car
il deviendrait, ici, l'art du peintre, la, l'art de l'architecte, la,
l'art du sculpteur, la, l'art du tapissier, etc., mais il ne serait plus
un art synthetique obeissant a ses lois propres.
D'ailleurs, dans cette direction, les efforts seraient hors de toute
pr
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