a ne pourrait se tenter qu'en rentrant habilement dans
les lois les plus certaines de la mise en scene, c'est-a-dire en
agissant prealablement sur le spectateur, en concevant une decoration
capable, par la grandeur, la hauteur et la profondeur de la scene, ainsi
que par des effets d'ombre ou de lumiere, de faire naitre une impression
morale, que le spectateur transporterait alors dans le personnage. Un
pareil effet est toujours aleatoire, puisqu'il depend des dispositions
du public et de l'imagination des spectateurs. C'est sur la scene de
l'Opera qu'on pourrait et qu'on a pu employer ce procede avec quelque
securite, parce que la, la puissance de la musique sur l'inclination
morale du spectateur vient en aide a la puissance pittoresque de la
decoration. Ce serait donc s'exposer a de graves mecomptes que de
vouloir elever le pittoresque de la decoration a l'etat de ressort
dramatique, ou autrement, de regarder le pittoresque comme une cause
finale suffisante de l'evolution dramatique. Il ne peut en etre qu'une
des causes formelles. Nous aboutissons donc, pour l'ensemble decoratif,
a la meme loi que pour tout objet considere dans son influence
eventuelle sur la marche du drame.
Il est certain que, dans toute conception poetique, le monde exterieur,
reduit au milieu immediat ou s'agitent les personnages, fournit ou peut
fournir incessamment a ceux-ci les causes formelles de leur langage. La
mise en scene peut-elle nourrir l'ambition realiste de rendre visible
au spectateur tout ce qui, dans le milieu objectif, joue le role d'une
cause formelle? C'est le dernier refuge de l'ecole nouvelle. Pour
eclaircir cette question, prenons un exemple. Au troisieme acte de _Il
ne faut jurer de rien_, le decor, a la Comedie-Francaise, represente un
bois sombre et sauvage. Les arbres qui montent jusqu'aux frises derobent
au spectateur la vue du ciel. C'est une belle solitude nocturne. Voyons
maintenant la mise en scene imaginee par le poete. C'est un soir d'ete.
Apres une chaude journee, l'orage a eclate. Quand Van Buck et son neveu
arrivent pres du lieu ou doit se rendre Cecile, Valentin, en quelques
mots, esquisse la mise en scene: "La lune se leve et l'orage passe.
Voyez ces perles sur les feuilles, comme ce vent tiede les fait rouler."
Enfin, dans la clairiere ou se rencontrent Valentin et Cecile, la
mise en scene est conditionnee par le texte: "Venez la, ou la lune
eclaire...--Non, venez la, ou il fait sombre; la, sous l'ombre de ce
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