continuite du spectacle, ces drames conserveraient leur physionomie
propre, l'action son allure reelle et les differents moments de cette
action leur marche ininterrompue. Dans ce systeme, il faudrait renoncer
a toute somptuosite de mise en scene, autre que celle qui resulterait
des decorations peintes. Je ne vois pas ou serait l'inconvenient, ces
drames ayant presque tous par eux-memes une puissance representative
tres grande.
Quant a nos pieces modernes, il me parait necessaire que les auteurs
mettent un terme a la confusion qui dure depuis trop longtemps entre les
actes et les tableaux, et qu'ils reservent le nom d'_acte_ a toute
suite de scenes formant un tout dramatique partiel, termine par cette
interruption du spectacle qu'on appelle un entr'acte. Dans ce systeme,
qui est le seul logique, il faudrait faire abnegation de toute mise en
scene exigeant entre les tableaux un entr'acte pour la plantation du
decor.
La verite dramatique et la logique de l'action opposent donc des bornes
naturelles a l'exageration de la mise en scene. C'est un fait important
a constater, puisqu'il nous montre que les progres de l'art dramatique
sont loin d'exiger un luxe disproportionne de mise en scene, et que
souvent c'est en s'effacant modestement que la mise en scene merite le
nom d'art. Ce qui entraine souvent les poetes, c'est que les changements
les plus compliques n'exigent d'eux qu'un trait de plume; et que leur
imagination eleve ou renverse des palais avec une rapidite telle qu'elle
n'altere en rien la contiguite des differents moments d'une action
partielle qui pour leur esprit reste une et indissoluble. L'art pour eux
n'est qu'un jeu de leur imagination; et de meme qu'ils ne nous doivent
que l'apparence des etres, de meme ils ne nous doivent que l'apparence
des choses. Mais alors il ne faut pas que la mise en scene s'attarde a
remuer d'enormes machines; il faut qu'elle se fasse alerte et quelque
peu feerique pour repondre aux coups d'aile de l'imagination poetique.
J'ajouterai une remarque generale pour clore ce chapitre. Les directeurs
ont le defaut de faire les entr'actes trop longs. La plupart du temps
sans doute le spectateur n'eprouve qu'un ennui que dissipe le lever
du rideau; mais quelquefois la longueur de l'entr'acte nuit a l'effet
dramatique. Je citerai comme exemple le drame d'_Antony_. Si, entre
le second et le troisieme acte, ainsi qu'entre le quatrieme et le
cinquieme, on n'intercalait qu'un entr'acte d'une
|