itaire, il est clair que les comediens charges de ces deux roles ont
immediatement vu surgir a leurs yeux, des profondeurs de leur esprit,
les images initiales de ces deux personnages. C'est alors que pour tous
deux a commence un travail de detail tres difficile et tres minutieux,
consistant a deduire de cette image intuitive toute une serie d'images
secondaires reproduisant toujours la meme personnalite. Ils n'auront
jamais une attitude identique, Olivier s'abandonnant sans effort a une
aisance familiere, Raymond gardant toujours une certaine rectitude
de maintien; ils ne feront pas un geste semblable, ni dans le meme
mouvement; ils ne s'assoiront pas, ne se leveront pas, ne marcheront pas
de meme, et ils ne parleront pas sur des rythmes similaires.
Dans toutes les pieces, tous les roles ont ainsi leur physionomie propre
que l'acteur ne doit jamais perdre de vue. Cela parait tout simple
au spectateur qui ne parait nullement s'en etonner, et qui n'y voit
probablement aucune difficulte. Sans doute, la composition du role est
relativement facile quand la personnalite des personnages est nettement
determinee, comme dans l'exemple que j'ai choisi; mais que le lendemain
les deux memes comediens aient a remplir les roles de Montmeyran et du
marquis de Presle, dans _le Gendre de M. Poirier_, la transition, pour
ne pas etre brusque, n'en sera que plus delicate; et le spectateur, s'il
y pense, pourra commencer a s'apercevoir de toute la difficulte qui
preside a la mise en scene d'un role. Montmeyran est un militaire comme
Raymond; mais le second a fourni une image initiale aux contours un peu
secs et tranchants, tandis que le premier se revele sous les traits
d'une image aux angles adoucis. La ressemblance entre les deux sera
surtout dans une certaine rectitude morale. Le marquis de Presle est un
homme du monde comme Olivier de Jalin, mais avec un peu plus de morgue
et de hauteur; il s'est moins use a tous les contacts de la vie, et il a
garde la part de prejuges qu'Olivier a, des longtemps, echanges contre
une aimable philosophie. Eh bien, ces nuances qui differencient les
images initiales de ces roles, il faut ne pas les laisser perdre; elles
doivent se retrouver a tous les moments de l'action, dans toutes les
attitudes, dans les moindres gestes, dans la facon d'entrer et de
sortir. Que le surlendemain les deux memes acteurs reparaissent dans
_Mademoiselle de Belle-Isle_, sous les traits du duc de Richelieu et du
chevalier d'A
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