musique instrumentale. Apres une
minutieuse exposition, dont tous les details font ressortir l'epicurisme
de Fritz et son egoisme de vieux garcon, on s'est mis a table, et ce
repas de gourmand, digne couronnement de toute cette exposition, un
instant interrompu par l'arrivee de Suzel, se continue, les vins les
plus fumeux succedant aux plats les plus succulents, lorsque soudain
resonne un coup d'archet: c'est le violon du bohemien Joseph, qui tous
les ans, le jour de la fete de Fritz, vient avec quelques-uns de ses
compagnons executer un morceau sous les fenetres de son ami. Les trois
convives s'arretent, levent la tete et pretent l'oreille a la voix
vibrante des instruments a cordes. A ce moment, les dix-huit cents
spectateurs qui emplissent la salle sentent l'ame de Fritz s'ouvrir aux
accents pathetiques des instruments a voix humaine, et tout ce qu'il a
fait de bien, de bon, de juste dans sa vie remonter a son coeur, et
le reparer de sa beaute morale au milieu de cette scene de vulgaire
sensualite. En meme temps, l'ame de Fritz, soustraite soudain aux liens
materiels de son existence, s'eleve et s'unit, dans une commune emotion,
avec celle de Suzel que la belle musique fait toujours pleurer.
L'attendrissement qu'eprouve le public ne lui vient pas directement des
instruments, mais de la profonde emotion dont ceux-ci troublent l'ame de
Fritz et celle de Suzel. C'est la un tres bel exemple du role pathetique
que peuvent remplir des instruments a cordes dans le drame ou dans la
comedie.
Une autre piece des memes auteurs, _les Rantzau_, presente un curieux
exemple de la musique employee comme ressort dramatique; mais cette fois
l'exemple est bizarre, plus peut-etre qu'il n'est heureux. La musique,
en effet, y joue un role ingrat et n'a d'autre merite, aux yeux de Jean
Rantzau chez qui se donne un petit concert improvise, que celui d'etre
un bruit desagreable et agacant pour Jacques Rantzau. Jean insiste sur
le but qu'il se propose et qu'il atteint, car soudain la colere de
Jacques se traduit par le vacarme de sa batteuse qu'il fait mettre en
mouvement. Les auteurs se sont trompes sur la mise en oeuvre du ressort
musical. Sans me preoccuper de l'action du drame, je dirai que c'est le
tableau contraire qu'ils auraient du presenter. L'interet dramatique de
la scene aurait du etre dans la colere de Jacques Rantzau, et c'est le
concert que lui donne son frere Jean qui aurait du etre place hors de la
scene. Il y a eu transposi
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