usique
devenue un personnage dramatique.
Dans ce chapitre et le suivant je voudrais, au point de vue de
l'esthetique et de la mise en scene, dire quelques mots du role de la
musique dans les representations theatrales. La musique est en soi un
art complet, absolu, comme la poesie et comme la peinture, et ce n'est
pas naturellement de cet art, considere dans son ensemble, dont je puis
avoir a m'occuper ici, non plus que des productions de cet art qui sont
fondees sur le plaisir propre de l'oreille. Mais la musique tient dans
son empire l'expression des sentiments, et en dehors du charme qu'elle
exerce sur l'oreille, ou conjointement avec lui, elle provoque dans tout
notre etre, toujours par l'intermediaire de l'oreille, un ebranlement
qui se propage dans tout le systeme nerveux, et qui determine en
nous des etats generaux identiques a ceux que nous eprouvons dans la
tristesse, dans la joie, dans l'enthousiasme, dans la langueur, dans
l'attendrissement, etc. Associee en nous-memes avec tous les sentiments
que notre ame est capable d'eprouver, elle a le merveilleux pouvoir, en
nous replacant dans les memes conditions d'ebranlement nerveux, de les
rappeler, de les faire renaitre en nous, de troubler et de bouleverser
tout notre etre par le mouvement qu'elle imprime aux ondes nerveuses qui
le parcourent. Bien des conditions contribuent a l'effet que produit sur
nous la musique: la qualite des sons, leur hauteur, leur timbre, les
rapports melodiques des sons successifs, les rapports harmoniques des
sons simultanes, le mouvement, le rythme, etc. Mais ne considerons ici
que la hauteur des sons; le reste s'y ajoute naturellement et multiplie
ou affaiblit, en tout cas modifie profondement l'effet produit par la
hauteur.
Quand nous parlons, les syllabes successives que nous prononcons sont a
des hauteurs diverses; pour y monter ou pour en descendre, notre voix se
traine rapidement de l'une a l'autre, et, ne franchissant pas d'un bond
les intervalles qui les separent, ne se fixant d'ailleurs a aucune des
hauteurs qu'elle effleure, ne nous fait eprouver que des sensations
sonores, mais non musicales, aucun des sons emis ne pouvant se rapporter
exactement a une gamme quelconque. Sans doute certaines voix nous
semblent et sont en effet plus musicales que d'autres; sans doute
dans le langage d'un acteur, et surtout d'une actrice, il passe
instantanement des syllabes qui ont une reelle puissance musicale et
nous font tressaillir c
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