s'associer a
la melancolie humaine comme les paysages humides et crepusculaires du
nord. Aussi tous les artistes, tous les poetes ont neglige ou n'ont que
legerement indique cette association de l'homme et de la nature. Au
XVIIe siecle, la nature artistique est factice: ce ne sont que des
paysages baignes dans la transparente lumiere de l'Attique. Ce n'est que
vers la fin du XVIIIe siecle que l'homme a laisse son ame s'ouvrir aux
impressions profondes de la nature et qu'il a associe celle-ci a ses
etats psychologiques. Mais aujourd'hui toute notre litterature est
fortement empreinte de naturalisme. Il n'est donc pas etonnant que la
decoration theatrale et que la mise en scene aient eu l'ambition de se
parer de ce charme pittoresque qui a sur nous tant d'empire.
Toutefois, cette ambition n'avait pas eu jusqu'alors de visee plus haute
que celle de plaire directement aux spectateurs, et de renforcer la
puissance dramatique en dirigeant sur nos yeux ses effets les plus
romantiques. Comme la musique dans le melodrame et dans le vaudeville,
la mise en scene n'avait eu jusqu'alors qu'un role, celui d'environner
le spectateur d'une sorte d'atmosphere passionnelle, et de creer un
milieu adapte a l'emotion nee du developpement de l'action dramatique.
La mise en scene a donc ete jusqu'a present une force emotionnelle
destinee a agir directement sur le spectateur, absolument comme dans
le melodrame une longue phrase chantee sur le violoncelle agit sur
son systeme nerveux et le dispose a l'attendrissement. Eh bien! sans
renoncer a cette puissance du pittoresque que le decorateur continuera
a exercer directement sur les spectateurs et qui est en effet sa
destination, la mise en scene peut-elle pretendre jouer sur le theatre
le role que la nature joue dans notre vie actuelle? Comme la musique,
va-t-elle a son tour venir se meler au drame, en devenir aussi un des
personnages et concourir au developpement de l'action elle-meme?
Sans doute on ne peut comparer la nature, agissant directement sur nous,
a l'imitation de la nature qui nous interesse a ses procedes artistiques
plus qu'aux phenomenes eux-memes qu'elle reproduit a nos yeux. On ne
peut non plus comparer la mise en scene, ou tout est factice, a la
musique dont le theatre ne modifie en rien les conditions et qui, au
theatre comme dans la vie, doit au charme mysterieux des sons reels
l'empire qu'elle exerce sur notre sensibilite. Cependant la litterature,
meme avant qu'elle fut
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