oportion avec le peu d'interet qu'offrirait l'atteinte du but. La mise
en scene, en effet, subit fatalement la loi de concentration, en vertu
de laquelle l'attention du spectateur est ramenee et se fixe sur le
personnage humain. Des que l'action dramatique eveille en nous la
sympathie que nous ressentons pour toute douleur ou toute joie, le decor
echappe rapidement a notre attention, et la mise en scene disparait
a nos yeux. Elle n'est plus des lors qu'un danger; car la moindre
discordance, comme un coup de baguette magique, aneantirait en un clin
d'oeil tout le charme dramatique. Aussi arrive-t-il, quand nous avons
assiste a la representation d'une piece ayant agi avec quelque force sur
notre ame, que nous ne gardons qu'un souvenir vague de la mise en scene,
ou que du moins elle ne nous laisse qu'une impression d'autant plus
generale que la figure du personnage humain prend plus d'importance et
de precision dans notre souvenir. C'est en somme le triomphe de l'etre
humain sur la nature, de l'intelligence sur la matiere.
Par consequent, l'art de la mise en scene ne peut avoir la pretention de
prendre le pas sur l'art dramatique. Il ne le pourrait qu'en annihilant
celui-ci, ce qui serait contraire a sa propre destination. Il doit
donc lui rester subordonne, tout en le suivant forcement et en se
preoccupant, a son exemple, du caractere individuel et particulier des
objets qu'il evoque a nos yeux. Nous avons d'ailleurs insiste deja
dans le courant de cet ouvrage sur la necessite pour la mise en scene
d'adapter les milieux aux types particuliers que recherche l'art
moderne. C'est une des conditions actuelles de la mise en scene. Mais la
mise en scene peut-elle aspirer a jouer un role personnel et actif dans
l'evolution du drame? Et, s'il lui est permis d'envisager une telle
perspective, quelles sont les limites infranchissables imposees a son
ambition? On est conduit a envisager ce role de la mise en scene en
reconnaissant la valeur, en quelque sorte psychologique et morale, qu'a
prise la nature dans la litterature moderne.
Toute notre litterature derive en grande partie de celles des peuples
grecs et des peuples latins: elle a une origine toute meridionale. Or,
dans les pays devores par une lumiere ardente, la nature n'agit pas sur
l'homme avec le charme penetrant qu'elle a dans les pays du nord. La
transparence de l'atmosphere, la nettete des lignes, l'egalite des
effets, la coloration puissante des tons, ne semblent pas
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