anique. Mais, a en juger d'apres
l'_Egmont_ de Goethe, le genie allemand accorde a la musique une
puissance ideale et imaginative qu'elle ne peut avoir que dans l'opera
ou le poete y ajoute un sens litteraire. Le genie francais, fait
essentiellement de clarte, n'a pas suivi le genie allemand qui lui avait
peut-etre suggere cette tentative, et pour lui la puissance dramatique
de la musique ne reside que dans la propriete qu'elle possede
d'eveiller, de propager et d'exalter les sentiments.
CHAPITRE XXXVIII
Decadence de l'art dramatique.--Des conventions dans l'art
classique.--Grandeur de l'art ideal.--De l'evolution
democratique.--Caractere de la sensibilite du public.--Son jugement
artistique.--De l'ecole realiste.--De l'esprit moderne.--De l'individuel
et de l'exceptionnel.--Causes d'avortement.
J'ai parcouru les differentes phases du sujet que je m'etais propose.
Sans doute j'ai laisse beaucoup a dire et je suis loin d'avoir epuise
une matiere qui est de sa nature inepuisable. Cependant j'aurai
peut-etre atteint le but si j'ai pu faire comprendre le sens assez
marque de l'evolution de l'art dramatique et de l'art theatral. Tous les
arts modernes, ainsi que toutes les sciences, ne cessent de croitre en
complexite et en heterogeneite. La mise en scene ne peut que suivre ce
mouvement, malgre les vaines reclamations d'une rhetorique, surannee,
dit-on, avec laquelle je ne me sens moi-meme que trop de liens. Par
une habitude d'esprit, nee de l'education et de l'instruction,
nous accordons a la tradition un empire et un prestige que ne lui
reconnaissent pas ceux qui ne l'ont pas recue toute formee des lecons
d'un maitre, ou ne l'ont pas puisee dans l'etude des chefs-d'oeuvre des
siecles passes. Il n'y a pas d'entente artistique possible entre un
homme qui eprouve des emotions profondes a la lecture d'Homere ou
de Sophocle et un homme qui n'a jamais connu leurs oeuvres que par
oui-dire, ce qui cependant est deja un progres sur l'ignorance absolue.
Nous assistons donc a la decadence certaine de l'art, dans la forme du
moins que nous avons ete habitues a lui reconnaitre et sous laquelle
nous l'avons aime, respecte et cultive. Cet art etait le privilege d'une
elite peu nombreuse qui, dedaigneuse des spectacles vulgaires et ne
recherchant que les sensations exquises, n'en respirait que la fleur et
laissait tomber le reste en poussiere. Tout drame ou toute comedie etait
un conflit psychologique et moral et mettait en
|