sa renommee, un
enthousiasme inconnu.
Le prince sourit; il meprisait les flatteurs, mais estimait fort
les enthousiastes.
-- Allons, monsieur, dit-il, vous etes bon au conseil, nous venons
de l'eprouver; demain nous verrons comment vous etes a l'action.
-- Et moi, Monseigneur, dit le marechal, que ferai-je?
-- Restez pour recevoir les troupes; ou je reviendrai les chercher
moi-meme, ou je vous enverrai un courrier pour que vous me les
ameniez. Vingt gardes des mieux montes c'est tout ce dont j'ai
besoin pour mon escorte.
-- C'est bien peu, dit le marechal.
-- C'est assez, dit le prince. Avez-vous un bon cheval, monsieur
de Bragelonne?
-- Le mien a ete tue ce matin, Monseigneur, et je monte
provisoirement celui de mon laquais.
-- Demandez et choisissez vous-meme dans mes ecuries celui qui
vous conviendra. Pas de fausse honte, prenez le cheval qui vous
semblera le meilleur. Vous en aurez besoin ce soir peut-etre, et
demain certainement.
Raoul ne se le fit pas dire deux fois; il savait qu'avec les
superieurs, et surtout quand ces superieurs sont princes, la
politesse supreme est d'obeir sans retard et sans raisonnements;
il descendit aux ecuries, choisit un cheval andalou de couleur
isabelle, le sella, le brida lui-meme, -- car Athos lui avait
recommande, au moment du danger, de ne confier ces soins
importants a personne, -- et il vint rejoindre le prince qui, en
ce moment, montait a cheval.
-- Maintenant, monsieur, dit-il a Raoul, voulez-vous me remettre
la lettre dont vous etes porteur?
Raoul tendit la lettre au prince.
-- Tenez-vous pres de moi, monsieur, dit celui-ci.
Le prince piqua des deux, accrocha sa bride au pommeau de sa selle
comme il avait l'habitude de le faire quand il voulait avoir les
mains libres, decacheta la lettre de Mme de Longueville et partit
au galop sur la route de Lens, accompagne de Raoul, et suivi de sa
petite escorte; tandis que les messagers qui devaient rappeler les
troupes partaient de leur cote a franc etrier dans des directions
opposees.
Le prince lisait tout en courant.
-- Monsieur, dit-il apres un instant, on me dit le plus grand bien
de vous; je n'ai qu'une chose a vous apprendre, c'est que, d'apres
le peu que j'ai vu et entendu, j'en pense encore plus qu'on ne
m'en dit.
Raoul s'inclina.
Cependant, a chaque pas qui conduisait la petite troupe vers Lens,
les coups de canon retentissaient plus rapproches. Le regard du
prince etait tendu vers c
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