entre a terre, vous voulez
dire?
-- Pas du tout, repondit d'Artagnan. Cette fois-ci on va nous
poursuivre, laissons-les sortir du bourg et courir apres nous sur
la route Ecosse; et quand nous les aurons vus passer au galop,
suivons la route opposee.
A quelques pas de la passait un ruisseau, un pont etait jete sur
le ruisseau; d'Artagnan conduisit son cheval sous l'arche de ce
pont; ses amis le suivirent.
Ils n'y etaient pas depuis dix minutes qu'ils entendirent
approcher le galop rapide d'une troupe de cavaliers. Cinq minutes
apres, cette troupe passait sur leur tete, bien loin de se douter
que ceux qu'ils cherchaient n'etaient separes d'eux que par
l'epaisseur de la voute du pont.
LXVII. Londres
Lorsque le bruit des chevaux se fut perdu dans le lointain,
d'Artagnan regagna le bord de la riviere, et se mit a arpenter la
plaine en s'orientant autant que possible sur Londres. Ses trois
amis le suivirent en silence, jusqu'a ce qu'a l'aide d'un large
demi-cercle ils eussent laisse la ville loin derriere eux.
-- Pour cette fois, dit d'Artagnan lorsqu'il se crut enfin assez
loin du point de depart pour passer du galop au trot, je crois
bien que decidement tout est perdu, et que ce que nous avons de
mieux a faire est de gagner la France. Que dites-vous de la
proposition, Athos? ne la trouvez-vous point raisonnable?
-- Oui, cher ami, repondit Athos; mais vous avez prononce l'autre
jour une parole plus que raisonnable, une parole noble et
genereuse, vous avez dit: "Nous mourrons ici!" Je vous rappellerai
votre parole.
-- Oh! dit Porthos, la mort n'est rien, et ce n'est pas la mort
qui doit nous inquieter, puisque nous ne savons pas ce que c'est;
mais c'est l'idee d'une defaite qui me tourmente. A la facon dont
les choses tournent, je vois qu'il nous faudra livrer bataille a
Londres, aux provinces, a toute l'Angleterre, et en verite nous ne
pouvons a la fin manquer d'etre battus.
-- Nous devons assister a cette grande tragedie jusqu'a la fin,
dit Athos; quel qu'il soit, ne quittons l'Angleterre qu'apres le
denouement. Pensez-vous comme moi, Aramis?
-- En tout point, mon cher comte; puis je vous avoue que je ne
serais pas fache de retrouver le Mordaunt; il me semble que nous
avons un compte a regler avec lui, et que ce n'est pas notre
habitude de quitter les pays sans payer ces sortes de dettes.
-- Ah! ceci est autre chose, dit d'Artagnan, et voila une raison
qui me parait plausible. J'avoue, quant a
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