e fleche sur le
grand chemin.
-- Monsieur d'Herblay, vous savez que toute parole de vous est un
germe qui fructifie dans ma pensee; je vais au Louvre.
-- A l'instant meme, n'est-ce pas?
-- Je ne vous demande que le temps de changer d'habits.
-- Rappelez-vous que d'Artagnan n'a pas besoin de passer par
Saint-Mande, lui, mais qu'il se rendra tout droit au Louvre; c'est
une heure a retrancher sur l'avance qui nous reste.
-- D'Artagnan peut tout avoir, excepte mes chevaux anglais; je
serai au Louvre dans vingt-cinq minutes.
Et, sans perdre une seconde, Fouquet commanda le depart.
Aramis n'eut que le temps de lui dire:
-- Revenez aussi vite que vous serez parti, car je vous attends
avec impatience.
Cinq minutes apres, le surintendant volait vers Paris.
Pendant ce temps, Aramis se faisait indiquer la chambre ou
reposait Porthos.
A la porte du cabinet de Fouquet, il fut serre dans les bras de
Pellisson, qui venait d'apprendre son arrivee et quittait les
bureaux pour le voir.
Aramis recut, avec cette dignite amicale qu'il savait si bien
prendre, ces caresses aussi respectueuses qu'empressees; mais tout
a coup, s'arretant sur le palier:
-- Qu'entends-je la-haut? demanda-t-il.
On entendait, en effet, un rauquement sourd pareil a celui d'un
tigre affame ou d'un lion impatient.
-- Oh! ce n'est rien, dit Pellisson en souriant.
-- Mais enfin?...
-- C'est M. du Vallon qui ronfle.
-- En effet, dit Aramis, il n'y avait que lui capable de faire un
tel bruit. Vous permettez, Pellisson, que je m'informe s'il ne
manque de rien?
-- Et vous, permettez-vous que je vous accompagne?
-- Comment donc!
Tous deux entrerent dans la chambre.
Porthos etait etendu sur un lit, la face violette plutot que
rouge, les yeux gonfles, la bouche beante. Ce rugissement qui
s'echappait des profondes cavites de sa poitrine faisait vibrer
les carreaux des fenetres.
A ses muscles tendus et sculptes en saillie sur sa face, a ses
cheveux colles de sueur, aux energiques soulevements de son menton
et de ses epaules, on ne pouvait refuser une certaine admiration:
la force poussee a ce point, c'est presque de la divinite.
Les jambes et les pieds herculeens de Porthos avaient, en se
gonflant, fait craquer ses bottes de cuir; toute la force de son
enorme corps s'etait convertie en une rigidite de pierre.
Porthos ne remuait pas plus que le geant de granit couche dans la
plaine d'Agrigente. Sur l'ordre de Pellisson,
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