par le fort Francois Ier.
Aussitot cent embarcations prirent la mer; elles etaient tapissees
de riches etoffes; elles etaient destinees a porter les
gentilshommes francais jusqu'aux vaisseaux mouilles.
Mais en les voyant, meme dans le port, se balancer violemment, en
voyant au-dela de la jetee les vagues s'elever en montagnes et
venir se briser sur la greve avec un rugissement terrible, on
comprenait bien qu'aucune de ces barques n'atteindrait le quart de
la distance qu'il y avait a parcourir pour arriver aux vaisseaux
sans avoir chavire.
Cependant, un bateau pilote, malgre le vent et la mer, s'appretait
a sortir du port pour aller se mettre a la disposition de l'amiral
anglais. De Guiche avait cherche parmi toutes ces embarcations un
bateau un peu plus fort que les autres, qui lui donnat chance
d'arriver jusqu'aux batiments anglais, lorsqu'il apercut le pilote
cotier qui appareillait.
-- Raoul, dit-il, ne trouves-tu point qu'il est honteux pour des
creatures intelligentes et fortes comme nous de reculer devant
cette force brutale du vent et de l'eau?
-- C'est la reflexion que justement je faisais tout bas, repondit
Bragelonne.
-- Eh bien! veux-tu que nous montions ce bateau et que nous
poussions en avant? Veux-tu, de Wardes?
-- Prenez garde, vous allez vous faire noyer, dit Manicamp.
-- Et pour rien, dit de Wardes, attendu qu'avec le vent debout,
comme vous l'aurez, vous n'arriverez jamais aux vaisseaux.
-- Ainsi, tu refuses?
-- Oui, ma foi! Je perdrais volontiers la vie dans une lutte
contre les hommes, dit-il en regardant obliquement Bragelonne;
mais me battre a coups d'aviron contre les flots d'eau salee, je
n'y ai pas le moindre gout.
-- Et moi, dit Manicamp, dusse-je arriver jusqu'aux batiments, je
me soucierais peu de perdre le seul habit propre qui me reste;
l'eau salee rejaillit, et elle tache.
-- Toi aussi, tu refuses? s'ecria de Guiche.
-- Mais tout a fait: je te prie de le croire, et plutot deux fois
qu'une.
-- Mais voyez donc, s'ecria de Guiche; vois donc, de Wardes, vois
donc, Manicamp; la-bas, sur la dunette du vaisseau amiral, les
princesses nous regardent.
-- Raison de plus, cher ami, pour ne pas prendre un bain ridicule
devant elles.
-- C'est ton dernier mot, Manicamp?
-- Oui.
-- C'est ton dernier mot, de Wardes?
-- Oui.
-- Alors j'irai tout seul.
-- Non pas, dit Raoul, je vais avec toi: il me semble que c'est
chose convenue.
Le fait est que Raou
|