z-vous que M. Malicorne va me faire
nommer demoiselle d'honneur?
-- M. Malicorne est un prince deguise, repliqua la vieille dame;
il a tous les pouvoirs.
-- Voulez-vous aussi etre demoiselle d'honneur? demanda Malicorne
a Mme de Saint-Remy. Pendant que j'y suis, autant que je fasse
nommer tout le monde.
Et, sur ce, il sortit laissant la pauvre dame toute deferree comme
dirait Tallemant des Reaux.
-- Allons, murmura Malicorne en descendant les escaliers, allons,
c'est encore un billet de mille livres que cela va me couter; mais
il faut en prendre son parti; mon ami Manicamp ne fait rien pour
rien.
Chapitre LXXIX -- Malicorne et Manicamp
L'introduction de ces deux nouveaux personnages dans cette
histoire, et cette affinite mysterieuse de noms et de sentiments
meritent quelque attention de la part de l'historien et du
lecteur. Nous allons donc entrer dans quelques details sur
M. Malicorne et sur M. de Manicamp.
Malicorne, on le sait, avait fait le voyage d'Orleans pour aller
chercher ce brevet destine a Mlle de Montalais, et dont l'arrivee
venait de produire une si vive sensation au chateau de Blois.
C'est qu'a Orleans se trouvait pour le moment M. de Manicamp.
Singulier personnage s'il en fut que ce M. de Manicamp: garcon de
beaucoup d'esprit, toujours a sec, toujours besogneux, bien qu'il
puisat a volonte dans la bourse de M. le comte de Guiche, l'une
des bourses les mieux garnies de l'epoque.
C'est que M. le comte de Guiche avait eu pour compagnon d'enfance,
de Manicamp, pauvre gentillatre vassal ne des Grammont. C'est que
M. de Manicamp, avec son esprit, s'etait cree un revenu dans
l'opulente famille du marechal.
Des l'enfance, il avait, par un calcul fort au-dessus de son age,
prete son nom et sa complaisance aux folies du comte de Guiche.
Son noble compagnon avait-il derobe un fruit destine a Mme la
marechale, avait-il brise une glace, eborgne un chien, de Manicamp
se declarait coupable du crime commis, et recevait la punition,
qui n'en etait pas plus douce pour tomber sur l'innocent.
Mais aussi, ce systeme d'abnegation lui etait paye. Au lieu de
porter des habits mediocres comme la fortune paternelle lui en
faisait une loi, il pouvait paraitre eclatant, superbe, comme un
jeune seigneur de cinquante mille livres de revenu.
Ce n'est point qu'il fut vil de caractere ou humble d'esprit; non,
il etait philosophe, ou plutot il avait l'indifference, l'apathie
et la reverie qui eloignent chez
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