arriva au Palais-Royal, qui
etait entoure d'une foule de curieux.
La maison de Monsieur attendait ses ordres pour monter a cheval et
faire escorte aux ambassadeurs charges de ramener la jeune
princesse. Ce luxe de chevaux, d'armes et de livrees compensait en
ce temps-la, grace au bon vouloir des peuples et aux traditions de
respectueux attachement pour les rois, les enormes depenses
couvertes par l'impot.
Mazarin avait dit: "Laissez-les chanter, pourvu qu'ils paient."
Louis XIV disait: "Laissez-les voir." La vue avait remplace la
voix: on pouvait encore regarder, mais on ne pouvait plus chanter.
M. de Guiche laissa de Wardes et Malicorne au pied du grand
escalier; mais lui, qui partageait la faveur de Monsieur avec le
chevalier de Lorraine, qui lui faisait les blanches dents, mais ne
pouvait le souffrir, il monta droit chez Monsieur.
Il trouva le jeune prince qui se mirait en se posant du rouge.
Dans l'angle du cabinet, sur des coussins, M. le chevalier de
Lorraine etait etendu, venant de faire friser ses longs cheveux
blonds, avec lesquels il jouait comme eut fait une femme.
Le prince se retourna au bruit, et, apercevant le comte:
-- Ah! c'est toi, Guiche, dit-il; viens ca et dis-moi la verite.
-- Oui, monseigneur, vous savez que c'est mon defaut.
-- Figure-toi, Guiche, que ce mechant chevalier me fait de la
peine.
Le chevalier haussa les epaules.
-- Et comment cela? demanda de Guiche. Ce n'est pas l'habitude de
M. le chevalier.
-- Eh bien! il pretend, continua le prince, il pretend que Mlle
Henriette est mieux comme femme que je ne suis comme homme.
-- Prenez garde, monseigneur, dit de Guiche en froncant le
sourcil, vous m'avez demande la verite.
-- Oui, dit Monsieur presque en tremblant.
-- Eh bien! je vais vous la dire.
-- Ne te hate pas, Guiche, s'ecria le prince, tu as le temps;
regarde-moi avec attention et rappelle-toi bien Madame;
d'ailleurs, voici son portrait; tiens.
Et il lui tendit la miniature, du plus fin travail. De Guiche prit
le portrait et le considera longtemps.
-- Sur ma foi, dit-il, voila, monseigneur, une adorable figure.
-- Mais regarde-moi a mon tour, regarde-moi donc, s'ecria le
prince essayant de ramener a lui l'attention du comte, absorbee
tout entiere par le portrait.
-- En verite, c'est merveilleux! murmura de Guiche.
-- Eh! ne dirait-on pas, continua Monsieur, que tu n'as jamais vu
cette petite fille.
-- Je l'ai vue, monseigneur, c'est v
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