8 decembre, qu'il avait
su bien mourir. Son ombre meme ne devait pas etre heureuse. Ma guerison
trainait beaucoup et devenait douteuse; je n'avais pas de peine a m'en
apercevoir: j'obtins de mon pere qu'il se chargeat d'aller a l'adresse
indiquee. Nul n'etait mieux fait pour remplir avec tact la penible
mission dont je desesperais de pouvoir m'acquitter. Mais ceux qui
avaient eu les dernieres pensees de mon infortune compagnon ne lui
accorderent qu'indifference en retour. Mon pere, pour les preparer,
parla d'abord d'une blessure, d'une blessure grave. "Vraiment, ce pauvre
Louis! C'etait un brave garcon!" dirent-ils simplement. Les premiers,
ils parlerent de lui au passe, froidement, le tuant en quelque sorte de
nouveau, en effigie.
Le delai prevu par le docteur Charles fut de beaucoup depasse. Decembre,
janvier, fevrier, mars, avril, tout ce temps s'ecoula sans amelioration.
Au contraire, toujours au lit, le bras dans un affreux etat, je
m'affaiblissais, je deperissais, je m'en allais visiblement, en depit
des soins devoues du docteur Henri Molinier. Bien qu'il prit la peine de
me panser lui-meme matin et soir, il desesperait de me guerir; a moins
d'en venir aux moyens extremes. Chaque jour, il parlait plus fermement
de l'amputation: mais, quelque pessimiste qu'il fut, sa patience ne se
dementait pas. Faible comme un moribond, j'atteignis le mois de mai,
moins a plaindre, sans doute, que mes camarades qui guerroyaient
encore, sous les balles francaises, autour du Mont-Valerien, a l'Arc de
Triomphe, a Montmartre, a la Chapelle.
Aux Buttes-Chaumont, Villiot, devenu sous-lieutenant, merita d'etre cite
a l'ordre du 1er corps de l'armee de Versailles. Nos trois officiers
furent decores vers le meme temps, et mon successeur eut pu l'etre sans
injustice. Atteint d'une balle en pleine figure, le sergent-fourrier
Leyris la fit ressortir lui-meme de sa blessure, en pressant sa joue
de toute la force de ses doigts. Il refusa d'ailleurs de quitter la
compagnie. Sa plaie bandee, il continua de se battre jusqu'au dernier
jour. Harel, Gouzy, sans rencontrer d'occasions si eclatantes,
poursuivaient simplement l'accomplissement de leur dur devoir. Seul
Laurier, qu'au moins une fois Villiot avait surpris loin de son poste,
etait rentre en conge a Marseille, ou il se vantait d'avoir dedaigne
l'epaulette.
Tout d'un coup, la constance et le devouement du docteur Molinier furent
enfin recompenses. Les prieres de ma mere aidant, j'entr
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