represente par
ce mot emphatique, c'est l'ideal du pauvre employe; il a souffert trop
de privations et souvent, helas! trop d'humiliations pour ne pas desirer
d'en affranchir sa progeniture; il croit qu'autour de lui sont jetes en
abondance des lots de toute sorte, et qu'il n'a qu'a se baisser pour
ramasser l'avenir brillant de sa famille. L'homme aspire a monter; c'est
grace a cet instinct que se soutient encore l'edifice, si surprenant de
fragilite et de duree, de l'inegalite sociale.
De toutes les professions qu'un adolescent peut embrasser pour echapper
a la misere, jamais, de nos jours, les parents ne s'aviseront d'aller
choisir la plus modeste et la plus sure. La cupidite ou la vanite sont
toujours juges; on a tant d'exemples de succes autour de soi! Des
derniers rangs de la societe, on voit s'elever aux premieres places des
prodiges de tout genre, voire des prodiges de nullite. "Et pourquoi,
disait M. Dumontet a sa femme, notre Horace ne parviendrait-il pas comme
_un tel_, _un tel_, et tant d'autres qui avaient moins de dispositions
et de courage que lui?" Madame Dumontet etait un peu effrayee des
sacrifices que lui proposait son mari pour lancer Horace dans la
carriere; mais le moyen de se persuader qu'on n'a pas donne le jour a
l'entant le plus intelligent et le plus favorise du ciel qui ait jamais
existe? Madame Dumontet etait une bonne femme toute simple, elevee aux
champs, pleine de sens dans la sphere d'idees que son education lui
avait permis de parcourir. Mais, en dehors de ce petit cercle, il y
avait tout un monde inconnu qu'elle ne voyait qu'avec les yeux de son
mari. Quand il lui disait que depuis la Revolution tous les Francais
sont egaux devant la loi, qu'il n'y a plus de privileges, et que tout
homme de talent peut fendre la presse et arriver, sauf a pousser un pou
plus fort que ceux qui se trouvent places plus pres du but, elle se
rendait a ces bonnes raisons, craignant de passer pour arrieree,
obstinee, et de ressembler en cela aux paysans dont elle sortait.
Le sacrifice que lui proposait Dumontet n'etait rien moins que celui
d'une moitie de leur revenu. "Avec quinze cents francs, disait-il, nous
pouvons vivre et elever notre fille sous nos yeux, modestement; avec le
surplus de nos rentes, c'est-a-dire avec mes appointements, nous pouvons
entretenir Horace a Taris, sur un bon pied, pendant plusieurs annees."
Quinze cents francs pour etre a Paris sur un bon pied, a dix-neuf ans,
et quand on es
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